[Luc 15,8] Une femme, qui possède mille dollars et en perd cent, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison et chercher soigneusement jusqu’à ce qu’elle les ait trouvés ?
Il y a beaucoup de paroles comme celle-là, dans les évangiles, des orphelines, isolées, sans famille, sans contexte. Leur interprétation est toujours sujette à caution.
Il s’impose, ici, de mettre la petite parabole en lien avec celle de la brebis perdue. L’image met en scène une femme à l’aise, qui possède la somme d’argent que gagne un ouvrier pour avoir travaillé pendant une dizaine de jours. Bien que ce ne soit pas catastrophique pour elle d’en perdre le dixième, elle va tout faire pour le retrouver.
Sortir des cadres
On reconnaît dans cette parole l’écho de la voix de Jésus. Il était souvent sur la défensive. On l’accusait de sortir des cadres de sa famille, et de l’éducation populaire qu’il avait reçue, pour fréquenter la partie la moins recommandable de la société. En y voyant le lieu privilégié de la rencontre avec Dieu, il ébranlait les fondements du comportement en société.
Ici, il se défend comme il le peut, en utilisant un argument ad hominem. Pour faire accepter la notion que tous les humains, y compris celles et ceux qui se sont égarés sur le chemin de la vie, font partie du trésor de Dieu – lequel fait tout ce qu’il peut pour n’en perdre aucun –, il prend l’exemple des personnes à l’aise, typiques de ceux qui l’accusent : un propriétaire de troupeau, une femme qui a de l’argent. Personne ne veut perdre ce qu’il possède, tout le monde fait des pieds et des mains pour retrouver ce qui a été perdu, ce devrait surtout être vrai quand il s’agit d’êtres humains.
Donner une direction
Le principal sens que veut illustrer la parabole, c’est qu’il faut se laisser déranger par les humains en perdition. Que ce soit l’immigrante à la recherche d’une nouvelle vie, ou le énième sans-abri à tendre la main sur la rue, ou l’ado en détresse, ou l’alcolo qui refuse de se reconnaître tel, ou la travailleuse mise à pied pour payer le bonus du patron… L’autre est mon proche, elle fait partie de ma famille, j’en suis responsable, je ne peux le laisser se perdre. Très dérangeante, cette parole. Et typique de l’évangile.
La vie à la suite de Jésus est un chemin qui n’a pas de bout. La marche vers la vie n’a pas de terminus. Et, sur la route de l’évangile, nul n’est jamais sûr d’être allé assez vite, ou assez loin. Autour de soi, il y a toujours quelqu’un de perdu, et un autre, et une autre… Et impossible de traduire l’évangile en législation à laquelle il suffirait d’obéir pour pouvoir se dire partisan de Jésus. Car l’évangile ne dit pas ce qu’il faudrait faire pour être correct. Il indique dans quelle direction marcher pour entrer dans le processus de devenir un être humain digne de ce nom.
Je me trouve, dit la parole, en n’arrêtant jamais de chercher celle ou celui que j’ai perdu.
À PROPOS D’ANDRÉ MYRE
André est un bibliste reconnu, auteur des nombreux ouvrages, professeur retraité de l’Université de Montréal et spécialiste des Évangiles, particulièrement de celui de Marc. Depuis plusieurs années, il anime de nombreux ateliers bibliques.
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