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[Mt 11,30] Mon joug est doux, et mon chargement léger.
Une parole paradoxale, aussi radicale que douce, typique du Nazaréen. Pour le comprendre, et donc la comprendre, il faut partir de l’expérience fondamentale de sa vie, qui est consignée dans cette parole de la source Q (1) : [Q 10,21] Parent (2), […] je te suis reconnaissant d’avoir caché ces choses aux savants et aux grands esprits, et de les avoir dévoilées aux tout-petits.
L’homme a rencontré son Dieu à la base de la société, et cela a été tellement important pour lui qu’il lui a donné un nouveau nom. Il s’est fait révéler que Dieu vit en bas de la pyramide sociale, et non en haut; qu’il parle aux petits et n’a rien à dire aux grands, et qu’on ne comprend rien de lui si on cherche à le trouver là où il n’est pas. C’est pourquoi les évangiles le montrent en pleine controverse chaque fois qu’en Galilée, il met les pieds dans une assemblée ou, à Jérusalem, entre dans le Temple.
L’homme est sensible aux misères des petites gens, au poids très lourd de leur vie. Une ligne très importante de son engagement est donc de leur faciliter l’existence, de les soulager de la lourdeur de la culpabilité religieuse, de les dégager de l’influence de scribes dont la pensée est alignée sur la logique de l’institution. Il n’a que faire des rites, des cérémonies, des célébrations cultuelles.
Se libérer des directives du système
Alors qu’à l’époque, comme depuis toujours, la prière est aux mains des experts, qui savent quels mots dire et quels gestes poser pour atteindre la divinité, lui veut la leur arracher pour la remettre aux petites gens, qui sont les authentiques experts en prière. C’est pourquoi, dans la Source, le Notre Père est introduit par ces mots, qui sont presque un ordre : « Vous, priez ! » (Q 11,2). Finis les rites compliqués aux mains des experts, qui se font payer pour prier pour les gens. Prier est à la disposition de tout le monde.
C’est pourquoi, par exemple, il voit dans le sabbat un jour pour se libérer des directives du système – tant économique que religieux – qui cherche à soumettre les humains. Il s’oppose également aux règles de purification, toutes plus pesantes les unes que les autres, et qui empoisonnent l’existence; à la séparation stricte des sexes, à la domination des grands sur les petits, etc. Sa parole fait le ménage dans les moindres recoins de la vie, elle dégage les épaules des petites gens du poids du système que les grands leur imposent pour leur profit, en le faisant remonter à la Volonté de Dieu.
Tout a été fait pour que l’être humain vive librement et avec légèreté, sans être asservi à rien ni personne. Ce qui vient du Parent est doux et léger, le reste, aussi sacré puisse-t-il paraître, est d’ailleurs et ne mérite pas qu’on s’y soumette.
Croire en lui, c’est vivre ainsi, avec douceur et légèreté, quoi qu’en dise le système.
Notes :
1) La source Q est un document chrétien rédigé au début des années 50, et dont se sont servis Matthieu et Luc pour rédiger leur évangile respectif. La Source n’existe que dans ces deux textes, et son mot-à-mot doit être reconstruit à partir d’une étude comparative. Les références à la Source suivent la numérotation de l’évangile de Luc : ainsi, on trouve Q 10,21 en Lc 10,21, qui trouve son parallèle en Mt 11,25.
2) Je traduis le mot grec par « Parent » au lieu de « Père », pour indiquer que l’Origine de la famille des enfants de Dieu n’a pas de sexe.
À PROPOS D’ANDRÉ MYRE
André est un bibliste reconnu, auteur des nombreux ouvrages, professeur retraité de l’Université de Montréal et spécialiste des Évangiles, particulièrement de celui de Marc. Depuis plusieurs années, il anime de nombreux ateliers bibliques.
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