Des femmes inspirantes

Phoébée, une des collaboratrices de Paul

photo Lucie Lepine

Par Lucie Lépine

Des femmes inspirantes

30 novembre 2022

Crédit photo : Icône de Sainte Phoébée, image de Nikolaos, HolySpiritArt sur Etsy

Paul a souvent été accusé de misogynie pour des textes qui nous semblent aujourd’hui antiféministes :

Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au seigneur, car le mari est le chef de la femme (Eph 5,22-23).

 

Que les femmes se taisent dans les assemblées. […] Qu’elles interrogent leur mari à la maison (1 Co 14,34.35).

 

Je ne permets pas à la femme d’enseigner ni de dominer l’homme. […] Ce n’est pas Adam qui fut séduit, mais c’est la femme qui, séduite, tomba dans la transgression (1Tm 2,12.14).

 

Je proposerai peut-être une autre lecture de ces textes dans de prochains articles, mais pour aujourd’hui, j’ai le plaisir de vous présenter une collaboratrice de Paul qui met en valeur un rôle important et même surprenant des femmes à cette époque.

 

Phoébée

 

Je vous recommande Phobée, notre sœur, diaconesse de l’assemblée convoquée à Cenchrées. Accueillez-la dans le seigneur d’une manière digne des saints. Mettez-vous à sa disposition pour toute affaire où elle aurait besoin de vous. Car elle a su être une protectrice pour beaucoup, moi y compris (Rm 16, 1-2).

 

Paul parle de Phoébée, comme d’une sœur, titre qui signifie tout le respect qu’il a pour elle. Il parle aussi d’elle comme une diakonos, vocable employé pour parler de lui et de Thimothée. De plus, il la situe parmi les saints et il lui accorde le titre de «prostatis» (protectrice, responsable). À noter que les exégètes minimisent souvent ces titres lorsqu’ils sont attribués à une femme.

«Certains croient que des femmes comme Phoebée ont été diaconesses mais exerçaient des fonctions propres à leur sexe, comme prendre soin des pauvres et des malades, servir aux tables et intervenir lors du baptême de femmes.»[1] E. Schüssler Fiorenza n’est pas d’accord avec cette affirmation car, selon elle, l’expression diakonos se retrouve dans les sources extrabibliques dans un sens missionnaire de prédication, d’enseignement et de responsabilité de rassemblements. «On peut donc conclure que c’est comme missionnaire et prédicatrice officielle que Phoebée est recommandée à l’Église de Cenchrées.»[2]

Par ailleurs, le terme prostatis désigne une fonction exercée par un officiel : épiscope, ancien ou diacre (1 Tm 3,1; 5,17).  Cette expression est donc utilisée pour des personnes jouissant d’autorité dans la communauté. Schüssler Fiorenza va plus loin en affirmant que l’autorité de Phoebée se serait imposée sur plusieurs communautés. Cette dernière jouait donc un rôle important dans l’Église de Cenchrées, une ville portuaire aux abords de Corinthe. Paul valorise le travail de cette femme en lui attribuant une fonction qui recouvrait les tâches de ministre de la Parole et de missionnaire; elle devait donc jouir d’une autorité certaine et exercer de nombreuses responsabilités au sein de sa communauté.

 

Réflexions

 

Que Paul soit de son temps et de son milieu, lesquels ne laissaient pas une place importante aux femmes, cela ne fait aucun doute. Lui attribuer le qualificatif de féministe serait ne pas tenir compte d’une civilisation qui l’avait façonné. Par contre, il faut savoir que la femme grecque étant plus émancipée que la femme juive, on imagine mal que les femmes hellénistiques, une fois converties, n’aient pas trouvé tout naturel de prendre des initiatives et des responsabilités dans leur communauté.

Quand je lis en Ga 3,28 : «Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave, ni homme libre, il n’y a ni mâle, ni femelle, car tous, vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus», je pense que Paul avait fait un pas, par rapport à sa culture juive et avait osé respecter les charismes des femmes de ses Églises

Durant des siècles, pourtant, la tradition chrétienne a minimisé la valeur des titres accordés aux femmes, l’Institution se refusant à exercer la liberté dont sa tradition originale témoignait. Plus largement, un tel comportement reflète le manque de courage de l’Église d’adhérer au message libérateur de Jésus.

Dans le prochain article, nous ferons connaissance avec Priscille, laquelle a eu, elle aussi, une place importante dans l’œuvre d’évangélisation de l’Église primitive.

 

Notes :

 

[1] H.Lietzmann, The History of the Early Church, Londres, Lutherworth Press, 1963, p.146.

[2] E. Schüssler Fiorenza, En mémoire d’elle, Éditions du Cerf, 1986, p.249.

 

À PROPOS DE LUCIE LÉPINE

Après une carrière en enseignement au primaire et au secondaire, Lucie s’est impliquée au sein des groupes communautaires comme le Carrefour Familial Hochelaga et des associations chrétiennes comme le Centre de pastorale en milieu ouvrier, la Conférence religieuse canadienne et la Fondation de la jeunesse ouvrière, entre autres. Lucie a fait des études bibliques à l’Université de Montréal et aime la vitalité culturelle montréalaise.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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