Briton Rivière, Le Christ au désert, 1898, huile sur toile, 117 cm x 189 cm, Guildhall Art Gallery, London
C’est à partir des récits des évangélistes Marc, Matthieu et Luc que l’on présentera une analyse de l’épisode des tentations de Jésus dans le désert. Dans ce texte, les ressemblances et les différences des trois épitres seront mises en relief.
Dans son récit, Marc [Mc 1, 12-13], parle de l’essentiel : Jésus est poussé par l’Esprit pour vivre dans le désert pendant 40 jours. Pendant ce séjour, il est tenté par Satan, il vit parmi les bêtes sauvages et des anges venus auprès de lui le servent.
Pour sa part, Matthieu [Mt 4, 1-11] met en scène des personnages et les fait dialoguer. Il présente une vraie «pièce de théâtre» : un décor, des personnages, un «bon» et un «méchant», de l’action (Steven Spielberg n’a rien à lui envier !). On assiste à une scène fantastique ! On imagine le démon transporter et placer Jésus sur le sommet du temple, sur une montagne. La plupart des cinéastes s’en sont donné à cœur joie en reproduisant cette scène connue dans les films, que ce soit en représentant Satan en homme d’affaires avec complet-cravate, en jolie fille avec un décolleté plongeant, en serpent, en dragon, en personnage avec des cornes et une queue, etc.
Finalement, le texte de Luc [Luc 4, 1-13] ressemble à celui de Matthieu à quelques différences près. Lorsque Luc dit que Jésus quitte les bords du Jourdain, c’est pour faire le lien entre le baptême de Jésus et son entrée au désert. Dans le récit de Luc, on fait allusion à la fameuse «généalogie» de Jésus pour signifier qu’il est un être humain tout en révélant qu’il est le fils de Dieu. Dans ce texte, il est mentionné que Jésus ne mange rien durant ces 40 jours, mais quiconque essayant de faire cela trépassera.
Dans le désert
Dans les trois récits, on dit que Jésus va au désert, «poussé par l’Esprit». Dans l’Ancien Testament, le prophète reçoit «l’Esprit de Dieu» comme une force irrésistible, comme un vent violent qui souffle et pousse le «choisi» à porter le message reçu. Jésus est donc «poussé» au désert par l’Esprit qu’il vient de recevoir à son baptême, lorsqu’il comprend qu’il est vraiment «choisi» par Dieu pour accomplir une mission : c’est lui le Messie tant attendu.
Pourquoi le désert ? Évidemment, parce que c’est un lieu idéal pour faire une retraite, car il n’y a pas beaucoup de distractions et on peut réfléchir sans se faire déranger. Jésus sait que sa vie va changer radicalement et il a besoin de s’isoler pour réfléchir. La petite vie tranquille, c’est fini !
Mais, on parle du désert pour une autre raison. Il ne faut pas oublier que Jésus représente en lui seul les plus grandes figures de l’Ancien Testament. Pour les Juifs de l’époque, deux choses étaient capitales : la loi et les prophètes. Les deux héros de l’Ancien Testament sont Moïse et Élie.
Or, Moïse fait traverser le peuple hébreu dans le désert pour le conduire jusqu’à la terre promise. Ce peuple a été soumis aux épreuves de la faim, de la soif et du découragement pendant 40 ans [Deut 8, 2-3]. Jésus incarne donc le «nouveau Moïse», le Messie qui viendra libérer le peuple hébreu.
Le pouvoir et la domination
D’abord, il faut savoir que le démon n’est pas une entité de l’extérieur. Le combat de Jésus s’est déroulé à l’intérieur de lui-même et a duré toute sa vie. Dans ses récits, Matthieu et Luc organisent une «joute oratoire» entre Jésus et Satan, en utilisant des techniques littéraires pour augmenter l’effet dramatique:
Acte 1 : Le démon demande à Jésus de se mettre en position d’autorité et d’«ordonner» aux pierres de se transformer en pain. Ainsi, Satan lui offre de se soustraire à l’ordre de la nature, d’utiliser son pouvoir pour améliorer sa situation et son bien-être personnel. En refusant de le faire, Jésus rejette le désir immodéré et la convoitise de biens matériels.
Lui, il sera un Messie pauvre et proche des plus démunis qui l’entourent ; il vivra la vie d’un prédicateur itinérant au mode de vie précaire. On sait que les disciples «bien intentionnés» de Jésus voulaient eux aussi un Messie puissant.
Acte 2 : Le décor change et Jésus est transporté sur une très haute montagne. Le démon va lui montrer tous les royaumes de la Terre. Dans l’évangile selon Matthieu, cette tentation sera évoquée en troisième lieu [Mt 4, 8-10].
Cette tentation, c’est celle de la domination, du pouvoir pour le pouvoir, même dans le religieux, ce qui implique souvent une collusion avec des forces mauvaises. «Tout cela, je te le donne si tu acceptes de te prosterner devant moi», dit le démon à Jésus [Mt 4, 9].
Ne trouvez-vous pas cela très actuel ? On sait que certains de ses disciples voulaient voir en Jésus un Messie royal, guerrier, riche et puissant. Plusieurs fois, on a voulu le faire roi. Jésus a choisi l’opposé et s’est rapproché des plus défavorisés et des marginaux.
Les tentations de Jésus correspondent à nos propres vulnérabilités ; nous aussi sommes tentés par le pouvoir de la vie sur la mort, le désir de contrôler les autres à notre profit, l’envie d’accumuler des richesses, l’ambition démesurée et les dépendances à toutes sortes de choses.
À PROPOS DE MARGUERITE DENHEZ-ZEITOUNI
Marguerite a deux passions : Dieu et la musique. Détentrice d’un baccalauréat en sciences religieuses, elle a été conseillère pédagogique en enseignement religieux dans les écoles de la Commission des écoles catholiques de Montréal (CECM). Elle a également formé des équipes d’enseignants et fait l’animation pastorale. Actuellement, Marguerite anime des cours bibliques aux adultes et donne des concerts de chant dans les résidences pour retraités.
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