Suggestions de visionnement

L’histoire de Pi : le pouvoir de dire sa vie intérieure

photo Laurence Gagnon

Par Laurence Gagnon

Suggestions de visionnement

22 mars 2023

Crédit photo : Détail du capture d’écran

Un écrivain en recherche d’inspiration écoute l’histoire d’un homme ayant vécu une profonde expérience spirituelle en survivant au naufrage d’un paquebot. Inspiré du roman du même titre de Yann Martel, L’histoire de Pi raconte le périple d’un adolescent qui apprend à survivre seul, tout en vivant une profonde transformation intérieure.

Piscine Molitor Patel, surnommé Pi, doit son nom inusité à la passion que son oncle avait pour les piscines. Fils du propriétaire d’un zoo à Pondicherry, en Inde, Pi s’intéresse à la vie dans son essence. Il s’intéresse à toutes les religions en même temps, allant jusqu’à pratiquer l’hindouisme, le christianisme et l’Islam simultanément, ce qui rend perplexe son entourage.

À l’adolescence, Pi doit déménager au Canada avec sa famille, son père ayant décidé de vendre le zoo et de se départir des animaux en Amérique, où il peut en tirer un meilleur prix. Or, le paquebot qui transporte la famille Patel et leurs animaux fait naufrage dans l’océan pacifique. Pi entame alors une quête de survivance, tant physique que spirituelle, en compagnie d’un tigre du Bengale nommé Richard Parker.

 

La foi en la vie

 

Enfant, Pi est convaincu que les animaux ont une âme : il l’a vue dans leurs yeux. Depuis un très jeune âge, il est donc conscient de la valeur de la vie dans son essence, et ne met pas la vie humaine au-dessus de celle des animaux.

Cette vision du monde est sans doute la raison pour laquelle il ne se sent pas obligé de pencher pour une religion en particulier. Son père lui dit qu’il doit choisir une voie, mais Pi n’en voit pas l’intérêt : il a découvert la foi par l’hindouisme, l’amour de Dieu par le Christ, et retrouve Dieu lui-même ainsi qu’un sens de communauté à travers l’Islam. Pour Pi, le divin est universel et les religions ne sont que des manières de célébrer l’essence de la vie.

Devenu adulte, alors qu’il fait le récit de son aventure dans le Pacifique à l’écrivain venu le visiter, il affirme : «La foi est une maison à plusieurs pièces.» Devenu professeur en sciences des religions à l’université, Pi a tout de même maintenu cette vision universelle de la spiritualité qui date de son enfance. Cette conception de la spiritualité a été renforcée par son expérience du naufrage; sa solitude en haute mer l’a forcé à être au plus près de la nature, mais aussi de lui-même, dans la mesure où chaque jour était une lutte pour sa survie.

Cette aventure difficile lui a plutôt appris à avoir une relation saine avec sa propre spiritualité, dans la mesure où il s’est retrouvé confronté au doute. Pourquoi un Être supérieur lui ferait-il subir autant d’épreuves, autant de souffrances? Que doit-il faire, que doit-il donner pour que l’Être supérieur lui vienne en aide? Pourtant, Pi ne cesse jamais de croire. En repensant aux événements à l’âge adulte, il dit : «Le doute est utile : il garde la foi en vie.»

 

Les différents types de vérité

 

L’histoire que Pi raconte à l’écrivain est celle d’un adolescent coincé dans une barque de sauvetage avec pour seul compagnon un tigre du Bengale nommé Richard Parker. Il s’agit avant tout d’une histoire de survie, mais aussi de cohabitation : au départ, Pi laisse la barque au tigre, se contentant d’un radeau fabriqué à la hâte à partir d’une bouée de sauvetage, par peur de se faire dévorer par le félin. Mais peu à peu, il apprend à se faire comprendre par l’animal, à faire des compromis afin de cohabiter dans un respect mutuel : partager l’espace de la barque, donner de la nourriture au tigre afin d’éviter de devenir lui-même son repas, mais aussi prendre soin l’un de l’autre.

Cette histoire peuplée de poissons volants, de méduses lumineuses et de suricates vivant sur une île carnivore semble des plus invraisemblables. Il existe d’ailleurs une version plus «réaliste» de cette histoire. Cependant, peu importe celle qu’on choisit de croire, l’essentiel reste vrai : Pi Patel perd sa famille dans un naufrage et il souffre. Et il en ressort grandi.

Peut-être la fable de l’adolescent et du tigre n’est-elle qu’une parabole. Peut-être n’est-elle qu’un moyen de faire face à la souffrance, à lui donner un sens afin de mieux s’en sortir. Peut-être que de donner corps à sa propre conscience blessée par le traumatisme est-elle le seul moyen de vaincre le doute et de continuer à avoir la foi en la vie.

Dans tous les cas, ce qui intéresse Pi, ce n’est pas de transmettre son aventure de manière factuelle. C’est de transmettre la vérité de son vécu, de son expérience intérieure. C’est cette histoire qui vaut la peine d’être racontée.

L’histoire de Pi en est une d’apprentissage spirituel, dans la mesure où le personnage grandit en lui-même et prend conscience de sa place dans le monde, de son lien avec la vie dans son essence. Mais c’est aussi la solidification de sa conception de la foi, une conception ouverte sur toute les formes qu’elle peut prendre. Le film nous rappelle aussi que la vérité s’incarne de différentes manières : il y a celle des faits réels, et celle propre à l’expérience intérieure. Et il témoigne aussi de la force de l’esprit, qui trouve des moyens de guérir des traumatismes vécus en y donnant un sens et en en dégageant la beauté.

 

L’histoire de Pi, adapté du roman du Canadien Yann Martel, s’est mérité de nombreux prix, dont quatre Oscars – meilleur réalisateur pour Ang Lee, meilleure photographie, meilleure bande sonore originale et meilleurs effets spéciaux.

 

Film : L’histoire de Pi (2012) (Titre original : Life of Pi)

Réalisé par : Ang Lee

Écrit par : David Magee, d’après le roman de Yann Martel

Pays : États-Unis, Royaume-Uni, Taiwan

Distribution principale : Suraj Sharma, Irrfan Khan, Rafe Spall, Tabu, Adil Hussain, Gérard Depardieu

Disponible sur Crave et Disney+

 

À PROPOS DE LAURENCE GAGNON

Laurence est une passionnée des lettres depuis toujours. Détentrice d’une maîtrise en langue et littérature françaises de l’Université McGill, elle s’intéresse à ce que le texte littéraire peut dire sur l’être humain et son rapport au monde qui l’entoure. Curieuse de nature, elle aime apprendre sur différentes cultures et leurs manières d’envisager la spiritualité et les relations avec la communauté. Ses passe-temps vont de la marche en forêt au cinéma japonais, en passant par la littérature des Premières Nations et la musique classique.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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