Des femmes inspirantes

Les femmes vues par Jésus

photo Lucie Lepine

Par Lucie Lépine

Des femmes inspirantes

25 mai 2022

Crédit photo : PeteWill / iStock

La conception de la femme, dont témoigne l’Ancien Testament, se poursuit au sein du judaïsme en gestation au temps de Jésus. Par exemple, à leur mariage, les femmes passent de l’autorité du père à celle du mari, lequel doit l’entretenir pendant qu’à celle-ci il incombe d’assumer toutes les tâches inhérentes au bon fonctionnement de la vie domestique. Par contre, les femmes ne participent pas à la vie publique, elles ne peuvent pas témoigner dans un procès, leur parole n’ayant aucune valeur.

 

Cette séparation des tâches est tellement significative qu’un homme ne doit pas adresser la parole à une femme sur la rue, même pas à la sienne. En public, la femme n’existe pas.

Dans le monde grec, il semble qu’un mouvement de libération ait été amorcé à partir de 323 av. J.C. Les femmes grecques, par exemple, pouvaient étudier, et possédaient un éventail de droits qui témoignaient d’un net progrès par rapport à leur situation antérieure.

Si libre soit-il, l’homme de Nazareth reste pourtant de son temps, et ce serait faire un anachronisme que de le considérer comme un militant radical de la promotion des femmes. Il a cependant l’habitude de porter sur elles un étonnant regard, fait à la fois de respect et de sympathie. Il les voit, les accueille, converse avec elles. Il approuve leurs efforts pour se libérer du poids que la société leur impose, il va même se laisser interpeller par elles. Pour l’époque, c’est remarquable.

Dans les prochains articles, je donnerai suite au présent texte en présentant d’autres récits qui témoignent de l’attitude de Jésus envers les femmes.

 

La femme courbée (Lc 13,10-17)

 

Jésus se trouve dans une synagogue un jour de sabbat. Il voit une femme qui, depuis dix-huit ans, est voûtée, incapable de se redresser.

Essayons d’imaginer l’humiliation de cette femme. Dans la mentalité du temps, on la soupçonne d’inconduite, puisque les forces malsaines s’acharnent sur elle, ne cessant de resserrer les nœuds qu’elles lui ont faits dans le dos. Au temps de Jésus, en effet, les démons étaient considérés comme les principales causes de la maladie. Il y avait le démon de la cécité, de la surdité, de la paralysie, des maladies psychiques…

La maladie de cette femme, en plus d’être pénible, la coupait de son entourage, puisque les contacts visuels étaient pour ainsi dire réduits à néant; elle voyait le sol, tandis que les autres ne la voyaient pas. Cette personne est le prototype de la femme qu’on ne voit pas, qui n’existe pas, que la vie a réduite à rien.

Personne ne l’avait donc remarquée, tandis que le Jésus du récit la voit. Défiant la coutume qui veut qu’à la synagogue les femmes soient séparées des hommes, il lui a fallu traverser du côté qui lui était interdit. Faisant fi des convenances, il prend l’initiative d’aller lui parler, et de la faire se redresser. Elle est debout, à hauteur d’être humain.

Une bien bonne nouvelle pour elle, mais une bien mauvaise pour l’organisation. En effet, comme on est jour de sabbat, et que, ce jour-là, on ne peut s’occuper que des malades en danger de mort, voilà qu’un règlement a été brisé. Depuis dix-huit ans qu’elle était malade, cette femme, ne pouvait-elle pas attendre un jour de plus ? Le chef de la synagogue est évidemment indigné : une femme guérie précisément le jour qu’il ne fallait pas.

La femme redressée peut maintenant voir ce qu’elle ne pouvait pas jusque-là : le conflit entre l’organisation qui la veut redressée dans les règles, et Jésus qui la remet debout le jour où il la rencontre et voit qu’elle a besoin de lui. Elle – ainsi que les lectrices et lecteurs de l’Évangile – est en mesure de choisir son camp. Elle peut désormais se courber à nouveau devant l’organisation, ou rester debout devant comme la Bonne Nouvelle l’invite à le faire.

 

Un texte à relire aujourd’hui

 

Je vois un Jésus qui veut des êtres humains debout. Il redonne à cette femme sa verticalité, expression de notre dimension humaine. Il libère la femme courbée de son mal comme il veut aujourd’hui libérer les femmes des fardeaux qui pèsent sur leurs épaules : violence, disparité salariale, non partage du pouvoir…, conséquences de nombreux siècles durant lesquels les femmes étaient considérées comme inférieures aux hommes, avec un potentiel humain réduit.

Cette guérison peut symboliser toutes les restaurations sociales, culturelles ou politiques qui permettront aux femmes d’être complètement redressées. Il n’est pas sans intérêt de noter qu’au dire de l’évangéliste, à la vue de la guérison, les grands étaient en colère tandis que les petites gens se réjouissaient (v.17).

Ce récit nous rappelle que le sabbat n’est pas une valeur absolue, comme si Jésus voulait nous libérer d’une obéissance aveugle aux lois, le premier commandement étant toujours l’amour. C’est pourquoi la finale du texte me ravit :

 

Chacun de vous ne détache-t-il pas (ne défait-il pas le nœud ?) son bœuf ou son âne, le jour du sabbat, pour le faire boire?

Et cette fille d’Abraham (cette madame) que Satan a ligotée depuis dix-huit ans, il ne fallait pas la libérer de ses liens, le jour du sabbat?

 

Il est paradoxal que Jésus se voit reprocher d’avoir libéré la femme courbée ce jour-là, alors que le sabbat était un jour pour réfléchir sur la libération d’Égypte.

 

À PROPOS DE LUCIE LÉPINE

Après une carrière en enseignement au primaire et au secondaire, Lucie s’est impliquée au sein des groupes communautaires comme le Carrefour Familial Hochelaga et des associations chrétiennes comme le Centre de pastorale en milieu ouvrier, la Conférence religieuse canadienne et la Fondation de la jeunesse ouvrière, entre autres. Lucie a fait des études bibliques à l’Université de Montréal et aime la vitalité culturelle montréalaise.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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