Des femmes inspirantes

Judith, une femme hors du commun

photo Lucie Lepine

Par Lucie Lépine

Des femmes inspirantes

26 janvier 2022

Caravage, Judith et Holopherne, vers 1599, peinture à l’huile,

Galerie nationale d’Art Ancien, Rome

Comme pour Esther avec laquelle vous avez fait connaissance lors de mon dernier texte, la beauté de Judith jouera un rôle important dans le salut de son peuple. Mais ce ne sera pas leur seul atout. Les deux manifesteront un courage intrépide et une sagesse reconnue.

 

Il faut d’abord noter que le livre de Judith montre une superbe indifférence pour l’histoire et la géographie en plaçant le récit à l’époque de Nabuchodonosor qui serait alors roi des Assyriens à Ninive. Or, Nabuchodonosor était roi de Babylone, et Ninive avait été détruite par son père Nabopolassar.

Ce livre, comme celui d’Esther, serait plutôt écrit aux alentours du 1er siècle avant notre ère, lors des années difficiles qui suivent la persécution d’Antiochus IV Épiphane. Il est important de saisir que l’auteur, anonyme, ne veut pas produire une œuvre historique, mais qu’il écrit un roman dans un contexte complètement fictif.

Son message est clair : il imagine une victoire du peuple élu contre ses ennemis, grâce à l’intermédiaire d’une femme sage, organisée et, dirais-je, diplomate rusée. Racontons-nous ce beau récit.

 

Judith

 

Après le retour de la captivité à Babylone, le peuple vient à peine de reconstruire Jérusalem, de restaurer le Temple et le culte de Dieu, quand apparaît Holopherne, chef de l’armée assyrienne, qui a reçu l’ordre de détruire tout autre culte que celui rendu au roi.

Comme la nation juive prend le parti de rester fidèle à son Dieu, elle se prépare à la résistance en fortifiant les agglomérations en hauteur. Le peuple crie vers Dieu, jeûne, se couvre de cendres dans une ferveur unanime.

Mais Holopherne enferme le peuple juif à l’intérieur de ses remparts, et occupe les points d’eau afin de l’assoiffer. L’eau des citernes s’épuise en même temps que faiblit le courage des résistants qui entrevoient de céder.

Alors apparaît Judith, c’est-à-dire «la juive» en hébreu. Demeurée veuve très jeune, elle a hérité des grands biens de son mari, mais cela ne lui fait pas tourner la tête car, remplie d’une grande sagesse, elle considère Yahvé comme son unique Seigneur et reproche à son peuple son manque de confiance. Exceptionnellement belle et séduisante, elle décide de mettre sa beauté, sa fortune et son courage au service de son peuple menacé.

 

La mort de Holopherne

 

Après avoir prié, elle se dépouille de ses habits de veuve, se parfume, se pare de ses bijoux et de ses plus beaux vêtements et se fait conduire à la tente d’Holopherne, accompagnée de sa servante. Judith ne manque pas de flatter le général pour ses hautes qualités, et lui fait part ensuite du fait que son peuple est sur le point de fléchir, et d’enfreindre les préceptes divins, de sorte que Dieu le livrera à l’ennemi.

Elle conseille donc à Holopherne de patienter : il vaincra Israël lorsque celui-ci manquera de confiance. Pendant trois jours, elle sort de la tente, se purifie à la source, mange les provisions conformes à la Loi qu’elle a apportées de sa maison, puis revient au camp. Après quatre jours, Holopherne ne peut résister plus longtemps à une telle beauté, aussi, afin d’assouvir sa passion, invite-t-il Judith à un festin qu’il a fait organiser.

Celle-ci accepte et, simulant une complicité, elle accepte de boire une coupe avec lui, alors qu’Holopherne boit jusqu’à s’enivrer. Quand il se fait tard, les officiers se retirent les laissant seuls. Pour Judith, le moment est venu de faire éclater la puissance de Yahvé en faveur de son peuple. Elle invoque l’aide de Yahvé, saisit le cimeterre du roi, le décapite, prend la tête et la dépose dans la corbeille à provisions que tient la servante.

Toutes deux quittent le camp sous les yeux des sentinelles accoutumées à les voir passer à cette heure avec leurs victuailles. Par après, la tête d’Holopherne, suspendue au sommet de la muraille du campement d’Israël, provoque la déroute de l’ennemi. Le peuple exalte Judith et se rend à Jérusalem pour une solennelle action de grâce. Et Judith elle-même organise une fête où les femmes jouent le premier rôle.

 

Quand on y pense…

 

La Bible ne semble pas s’effrayer de femmes guerrières en temps de conflit. Devant ce geste violent, qui oserait parler de sexe faible? Même si le récit n’est pas historique, on peut soupçonner que des femmes de cette trempe aient existé puisqu’on sent le besoin d’en parler. L’auteur avait peut-être quelques noms en tête. Le texte nous rappelle aussi qu’Israël ne célébrait pas seulement des héros mais aussi des héroïnes nationales.

Judith ose reprocher aux chefs de son peuple leur manque de confiance quand ceux-ci sont prêts à livrer la ville de peur que les gens meurent de soif. C’est donc quelqu’un qui a droit de parole et qu’on écoute. Après avoir reçu tous les conseils donnés par Judith, le chef de la cité, Ozias, reconnaît la sagesse de cette femme [Jdt 8,29].

Celle-ci, d’ailleurs, suscite l’étonnement même des Assyriens : «Qui donc pourrait encore mépriser un peuple qui a des femmes pareilles?» [Jdt 10,19]. Son don de rassembleuse est aussi à souligner lorsqu’elle organise une fête où les femmes la suivent et y jouent le premier rôle.

Ainsi se constituait une sorte d’image de la femme qui sauve et libère, image qui a été utilisée par les chrétiens pour parler de Marie.

 

À PROPOS DE LUCIE LÉPINE

Après une carrière en enseignement au primaire et au secondaire, Lucie s’est impliquée au sein des groupes communautaires comme le Carrefour Familial Hochelaga et des associations chrétiennes comme le Centre de pastorale en milieu ouvrier, la Conférence religieuse canadienne et la Fondation de la jeunesse ouvrière, entre autres. Lucie a fait des études bibliques à l’Université de Montréal et aime la vitalité culturelle montréalaise.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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