Échos d'Évangile

Une approche de proximité pour montrer le chemin

Photo André Myre

Par André Myre

Échos d'Évangile

13 mai 2020

Crédit photo : Edwin Andrade / Unsplash

[Mt 10,5] N’empruntez pas le chemin des étrangers, ni n’entrez dans une ville de Samaritains, dirigez-vous plutôt vers les moutons perdus de la maison d’Israël.

 

Une dizaine d’années à peine après la mort de Jésus, un homme comme Paul ne se serait pas reconnu dans un tel texte, tiré de l’évangile de Matthieu. La mission universelle auprès des étrangers et des Judéens (1) est une réalité proprement chrétienne, née dans la diaspora, en monde hellénistique. Elle n’est pas partagée par la branche palestinienne (galiléenne ou judéenne) du christianisme. En cela, les chrétiens d’origine palestinienne se situent en droite ligne avec Jésus.

 

Tensions entre les peuples

 

Jésus n’envisageait sa mission qu’à l’intérieur des frontières de la Galilée, territoire qui, jadis, faisait partie de la « maison d’Israël ». C’était la partie fertile de l’ancien royaume du Nord, le grenier du pays dont la capitale avait été Samarie. Mais, au premier siècle, les relations étaient particulièrement tendues entre Samaritains d’un côté, et Judéens et Galiléens de l’autre.

Les Samaritains considéraient la Galilée, conquise par les Maccabées (une famille sacerdotale judéenne) deux siècles plus tôt, comme territoire judéen, donc ennemi. Les Galiléens, pour leur part, ressentaient cette conquête comme une atteinte à leur liberté, et, par ailleurs, voyaient les Samaritains comme de purs étrangers.

Et ils s’étaient fait imposer un roitelet, Hérode Antipas, au service de l’Empire romain, lequel dominait les territoires environnants, au nord et à l’est (de l’autre côté du lac), et promouvait l’essor de la culture hellénistique dans le pays.

 

Une Histoire en mouvement

 

Une mission auprès des Samaritains ou des étrangers était difficilement envisageable pour Jésus. Même qu’elle ne lui est sans doute jamais passée par l’esprit. Ce sont les pauvres gens de sa Galilée qui l’interpellaient, eux qui s’étaient fait révéler la personnalité du Parent (2), lequel s’était caché des savants et des experts (Mt 11,25).

Cela explique que Paul ait pu un jour dire qu’il ne connaissait plus le Christ selon la chair (2 Co 5,16), au sens où il envisageait sa mission autrement que lui. Il avait trop souffert de la part d’hommes comme Jacques, le frère de Jésus, très influents à Jérusalem, qui cherchaient à contrer son influence.

On devine donc tout ce qu’il a fallu d’expériences et de discernements, au cours du demi-siècle qui s’est écoulé entre la mort de Jésus et la rédaction de l’évangile de Matthieu, pour qu’à la fin, ce dernier puisse mettre ces paroles dans la bouche du Christ : « Allez, chez tous les étrangers faites des partisans (Mt 28,19). » Il est très intéressant de voir que, dans son évangile, Matthieu ose faire modifier une directive du Jésus de l’histoire par le Christ de la foi.

Un texte qui montre la nécessité du discernement continuel dans une Histoire en mouvement.

 

Notes :
(1) À l’époque du Nouveau Testament, dans l’ensemble du monde méditerranéen, les enfants d’Abraham, quel que soit l’endroit où ils vivent, sont appelés « Judéens ». On les nomme d’après le territoire où est située leur capitale, Jérusalem, et cette désignation n’a pas le caractère exclusivement religieux de notre mot « juif ». À l’intérieur même d’Israël, cependant, la situation est différente : un Galiléen ne se dira pas Judéen, et un homme comme Paul, par exemple, n’a jamais utilisé ce mot pour se présenter.

 

(2) « Parent », plutôt que « Père », pour diminuer le danger de masculiniser la réalité divine.

 

À PROPOS D’ANDRÉ MYRE

André est un bibliste reconnu, auteur des nombreux ouvrages, professeur retraité de l’Université de Montréal et spécialiste des Évangiles, particulièrement de celui de Marc. Depuis plusieurs années, il anime de nombreux ateliers bibliques.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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