Échos d'Évangile

Se sortir le système de la tête

Photo André Myre

Par André Myre

Échos d'Évangile

16 décembre 2020

Crédit photo : Matt Botsford / Unsplash

[Mt 15,13] Toute plante que mon Parent n’a pas plantée sera déracinée.

 

Les évangiles sont pleins de ces paroles, typiques de Jésus, auxquelles on ne prête pas attention si on les lit, et qui ne sont jamais commentées en public. Elles ne sont donc pas populaires, et ne contribuent malheureusement pas à façonner notre vision de la vie.

Matthieu a placé celle-ci dans un contexte de discussion avec les scribes. Ces derniers sont des gens importants au temps de Jésus, parce qu’ils ont étudié, savent donc lire et écrire, et peuvent ainsi interpréter l’Écriture pour les gens. Leur interprétation est indiscutable, puisqu’ils sont les seuls à avoir accès aux Livres Saints. Ce contexte permet de comprendre leur irritation quand un charpentier illettré se mêle de les contredire.

Dans le cas qui nous occupe, les partisans de Jésus viennent justement de lui rapporter que la liberté qu’il prend vis-à-vis de la Tradition scandalise ces officiels. Après avoir répondu aux siens avec la parole du début, il ajoute que ces gens-là sont des aveugles qui guident d’autres aveugles.

 

Une autre vision de choses

 

Pour comprendre ce genre de parole, il faut se souvenir que le Nazaréen n’a rien du héraut d’un salut transcendant, de portée universelle, offert par un Dieu qui prendrait la société comme elle est. C’est plutôt un homme solidaire connaissant les souffrances de petites gens, habitant une Galilée marginale par rapport à la Judée, à la périphérie d’un grand Empire qui les écrase, et soumis aux décisions d’experts venus d’une capitale voisine – Jérusalem – qui leur imposent comment vivre leurs traditions ancestrales. Ce sont des hommes et femmes dont l’existence est précaire, qui sont habitués à être dominés et qui ont même peur d’envisager la responsabilité de leur propre vie.

C’est pourtant à eux, et à eux seuls, en bas de la pyramide sociale, que Jésus proclame la venue d’un régime de Dieu dans lequel ils tiendront les premières places. Mais il a beaucoup de peine à leur faire accepter sa vision des choses. Pour ce faire, il doit les éloigner des assemblées synagogales et du Temple, où le système leur est présenté dans toute son ampleur, avec l’autorité d’une tradition millénaire établie par Dieu lui-même, lequel est censé appuyer absolument ses représentants.

Le Nazaréen doit desserrer l’emprise des scribes sur les gens, calmer le vertige qui les prend devant la perspective de devoir tout réinventer en devenant responsables d’eux-mêmes. Et il le fait dans un climat d’hostilité permanente des scribes et des puissants à son égard. C’est ce contexte qui éclaire le sens de la parole du début.

 

Croire en Jésus, c’est reconnaître qu’il avait raison, et qu’à son exemple, il nous faut déraciner, à l’intérieur de nous, tous les systèmes qui cherchent à s’imposer à nous.

André Myre

 

Quand le Nouveau Testament parle de la résurrection de Jésus et de Sa Seigneurie, ou la Tradition de sa divinité, ils ne font que dire leur conviction que le Dieu vivant était d’accord avec la lecture que Jésus a faite de la vie. Ce ne sont pas des données à creuser à l’infini ni à proclamer pour elles-mêmes. Elles ne sont qu’un appel à nous pencher encore et toujours sur la vie de Jésus, pour en préciser les orientations, ce qui trace notre chemin de vie.

Une proclamation de la résurrection, de la seigneurie ou de la divinité, qui est coupée des prises de position de Jésus, dit les mots justes, mais n’a rien à voir avec l’évangile, ni avec la foi, ni avec le salut. C’est le genre de choses que le Parent de Jésus se fera fort de déraciner un jour, mais dont il nous faut d’abord nous débarrasser dans nos têtes, ce qui n’est pas une mince affaire.

 

À PROPOS D’ANDRÉ MYRE

André est un bibliste reconnu, auteur des nombreux ouvrages, professeur retraité de l’Université de Montréal et spécialiste des Évangiles, particulièrement de celui de Marc. Depuis plusieurs années, il anime de nombreux ateliers bibliques.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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