Suggestions de lecture

Sagesses pour notre temps

photo Renée Thivierge

Par Renée Thivierge

Suggestions de lecture

4 octobre 2021

Ce livre est issu d’entretiens à l’émission Les racines du ciel, diffusée à France Culture. Frédéric Lenoir et Leili Avar nous invitent à réfléchir sur les possibilités d’émergence d’une humanité meilleure, aussi bien sur le plan individuel que collectif. Chacune des voix réunies dans ce recueil nous le dit à sa façon : «la vie est à saisir ici et maintenant, en sa totalité et sa sacralité.»

 

Parmi les personnes interviewées figurent Christian Bobin, écrivain et poète; Marcel Conche, philosophe spécialiste de métaphysique et de philosophie antique; Pierre Rabhi, entre autres, essayiste et écologiste; Fabienne Verdier, artiste peintre; Abdennour Bidar, philosophe et essayiste, et Patrick Viveret, philosophe et essayiste.

 

La poésie comme chemin spirituel

 

Christian Bobin, écrivain et poète, nous parle de la racine commune de la spiritualité et de la poésie. «La souche, c’est l’enfance. C’est un regard d’enfant sur les choses, les gens et les savoirs.» Qu’il qualifie de «regard des nouveau-nés». Cet entretien est un véritable cours de poésie, sa façon à lui. «Je ne prends pas de notes, je ne vais pas quelque part, je ne regarde pas quelqu’un en pensant que je vais écrire. […] Je ne pense à rien et peut-être que le fait de penser à rien ouvre une porte.»

D’après lui, il exerce une activité de marieur. «Ce qu’on appelle une image, c’est tout simplement faire venir le nom d’une chose et la mettre en relation, en cousinage, avec une autre chose empruntée à un autre domaine. Les deux s’enflamment de se reconnaître et de se trouver mariés.» Avec humilité, il cite cette phrase de Saint Thomas d’Aquin, auteur de la Somme théologique : «Tout ce que j’ai écrit me paraît un brin de paille en comparaison de ce que j’ai contemplé.» Et il ajoute : «Les poètes sont ceux qui nous disent Dieu sans doute beaucoup mieux que les théologiens.»

 

La nature divine

 

Marcel Conche est un philosophe français spécialiste de métaphysique et de philosophie antique, détenteur d’une licence en philosophie et d’un diplôme d’études supérieures en philosophie. Très jeune, il se pose des questions et vers la fin de l’adolescence, il découvre «que l’existence était une chose de plus en plus mystérieuse». Il apprend très vite que les adultes «n’avaient absolument rien à me dire». Car «ils étaient dans la même situation que moi, c’est-à-dire dans l’ignorance, constamment occupés à des tâches subalternes, comme essayer de travailler tous les jours pour essayer de gagner leur vie.»

Plus tard, il est devenu convaincu «qu’il n’y avait pas de Dieu». «J’avais déjà dépassé la trentaine lorsque j’en suis venu à considérer que la souffrance des enfants qui subissent le martyre soit de la part de psychopathes, soit dans des camps, soit à cause de maladies qui les font vivre dans des conditions abominables était un mal que j’ai appelé «absolu», c’est-à-dire injustifiable à quelque point de vue d’où on se place. » Il a donc dû renoncer à l’idée de Dieu. Mais «l’abandon de l’idée de Dieu a laissé un vide immense parce que la philosophie est d’abord la métaphysique.[…] Si Dieu s’efface, qu’y a-t-il outre le monde et l’homme? Eh bien la Nature. J’ai donc remplacé Dieu par la Nature infinie. Je me suis tourné vers les Grecs, plutôt vers les philosophes de la Nature et non vers les platoniciens, Platon et Aristote.»

Il s’intéresse particulièrement à Épicure (Épicure en Corrèze), puis Pyrrhon d’Élis, Héraclite, Anaximandre, Heidegger. Mais c’est finalement sur Montaigne qu’il jette son dévolu à cause du «sentiment fondamental que j’avais trouvé un homme à qui je pourrais demander conseil sur des questions délicates. […] C’est quelqu’un au jugement de qui on peut se fier.» Il termine l’entretien en disant : «Je dois vivre comme si la mort ne devait pas advenir puisque, comme Épicure l’explique, on n’a pas à penser à la mort puisque tant que nous vivons, elle n’est pas là, et lorsqu’elle est là, on n’est plus là, donc il ne faut pas y penser.»

 

De l’ombre à la lumière

 

Après des études en arts, Fabienne Verdier, artiste peintre et écrivaine, part étudier en Chine, à Chongqing, au Sichuan Fine Arts Institute. Elle a vingt-deux ans et son séjour durera dix ans, qu’elle décrit dans son livre Passagère du silence. Elle travaille avec les derniers grands peintres chinois ayant survécu à la Révolution culturelle, et devient la première étrangère à recevoir un diplôme supérieur en art de cette université.

Elle a créé plusieurs peintures immenses qui atteignent plusieurs mètres. «Cet art de peindre à la verticale m’avait été enseigné par de vieux lettrés chinois.» Elle a fini par réaliser «un travail à la verticale, entre ciel et terre, où la réserve d’encre permet un écoulement naturel de la matière.» Il s’agit ainsi de jouer avec les forces fondamentales, la gravité. Chacun de ces tableaux «est le résultat d’une expérience vécue par le corps…»

Effectivement, son pinceau peut peser «plusieurs dizaines de kilos quand il est imprégné d’encre.» Elle allait par exemple, en compagnie de son vieux maître Huang Yuan faire de longs voyages et ils restaient «des heures face à un paysage en le devinant dans la brume». Il s’agissait d’ «absorber les puissances énergétiques, à s’en nourrir l’esprit et le corps, pour se laisser guider, de retour à l’atelier.»

Elle nous parle de Jean de la Croix qui décrit une expérience intérieure magnifique dans La nuit obscure. «Le peintre lui aussi a peur de l’obscur. Plus il avance, moins il saisit. Lorsque l’on a plus peur de se plonger dans cette lumière obscure qu’est la peinture, peu à peu on se déleste, on se laisse porter pour se connecter à une forme d’intuition jaillissante, qu’il s’agit de traduire avec son pinceau.» Et elle conclut : «C’est ce vivant, cette transformation incessante, que j’explore.»

 

À PROPOS DE RENÉE THIVIERGE

Journaliste, auteure, traductrice et dramaturge, Renée s’intéresse depuis toujours à la philosophie et à la spiritualité. La beauté et l’humain sont ses meilleures sources d’inspiration et elle croit passionnément au pouvoir des mots afin de repousser et teinter de poésie les limites d’un monde souvent filtré et médiatisé.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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