De gauche à droite : Pat di Stasio, président de la Fondation de 1986 à 1995, aux côtés

des fondateurs Gérard Gauthier et le père Marcel Paquette. Photo des archives.

À l’instar de mon père, Gérard Gauthier, l’un des fondateurs de la Fondation Père-Ménard, je me suis à mon tour engagé à poursuivre la mission initiée par le père Eusèbe Ménard, et à faire vivre l’œuvre qu’il a inspirée. En 2025, nous soulignons d’ailleurs le 25e anniversaire de l’obtention du statut de communauté de droit pontifical de la Société des Missionnaires des Saints-Apôtres, un jalon important qui témoigne de la reconnaissance et de la vitalité de cette mission.

Bien avant le concile Vatican II, l’approche du père Eusèbe Ménard se distinguait par son caractère novateur. Déjà dans les années 40, elle mettait en lumière le rôle central des laïcs dans la mission d’annoncer l’Évangile, en les invitant à faire connaître le vrai sens de la vie tel que Jésus-Christ l’avait enseigné lui-même aux premiers apôtres.

Franciscain de formation, la vision du père Eusèbe Ménard était de ne pas posséder ni administrer lui-même des biens matériels en tant que prêtre, mais plutôt d’en confier la propriété ainsi que la gestion administrative et financière à des laïcs au service de son œuvre. D’ailleurs, il a un jour confié à son ami Hector Durand, co-fondateur de l’œuvre des Saints-Apôtres : «Je serai prêtre et vous, vous serez les gestionnaires et même les propriétaires.» Cette vision permettait en ce sens aux prêtres de se libérer des tâches matérielles.

De plus, il rappelait souvent que les laïcs n’étaient pas que de simples collaborateurs de son œuvre, mais de véritables partenaires spirituels et apostoliques. Chacun, selon ses talents et ses responsabilités propres, était appelé à contribuer à son grand projet en contribuant à améliorer la qualité de vie des personnes et en les formant à devenir de vrais «leaders»  ̶  qu’ils soient religieux ou laïcs  ̶  engagés au service de l’humanité.

Père Eusèbe Ménard avec Hector Durand. Photo des archives.

«Donnez-nous des calices et nous vous donnerons des prêtres.[1]» En d’autres mots : occupez-vous des réalités matérielles si vous voulez que les vocations sacerdotales puissent s’épanouir. Vingt ans plus tard, cette façon de voir les choses deviendra la doctrine officielle de l’Église : «De par leur vocation propre, il revient aux laïcs de chercher le royaume de Dieu en administrant les choses temporelles et en les ordonnant selon Dieu.» (Lumen Gentium, numéro 31)

Ainsi, tout au long de sa vie, le père Eusèbe Ménard confia l’entièreté des tâches administratives aux laïcs, à qui il reconnaissait un rôle essentiel, clairement défini et indispensable à sa mission. Cette importance leur fut d’ailleurs publiquement rendue hommage, notamment lors des funérailles d’Hector Durand, où son engagement exemplaire fut souligné. Elle fut aussi mise en lumière par notre ami Mgr Christian Rodembourg, évêque du diocèse de Saint-Hyacinthe, dans son livre Une vie offerte :

[D]ès le début de l’œuvre [du père Ménard], en 1946, prêtres et laïcs s’unissent pour humaniser et évangéliser le monde, chacun selon ses talents et fonctions comptant sur l’Esprit Saint, âme de tout apostolat. C’est maintenant l’enseignement très clair du Vatican II. [2]

Dans son Testament spirituel, père Eusèbe Ménard parle davantage du rôle des laïcs : «Le Saint Esprit donne à chacun de nous ses dons, ses charismes en vue de l’utilité de l’Église. Dieu les distribue à qui il veut et comme il veut. Le dépositaire en dispose selon les services qu’il croit devoir rendre.[3]» Autrement dit, chacun est appelé à mettre au service de la communauté le don qu’il a reçu. Ensemble, prêtres et laïcs prolongent l’action des apôtres, tels deux mains unies qui soutiennent le monde. Pour le père Ménard, le prêtre ne peut pas porter seul la mission de l’Église. Le laïc n’est pas un acteur secondaire, mais se révèle être un serviteur, à l’image du Christ : un véritable partenaire missionnaire.

Le prêtre incarne le sacerdoce sacramental, garant de l’unité et de la tradition de l’Église. Pour sa part, le laïc incarne la présence du Christ dans la vie quotidienne, et porte son témoignage au milieu du monde, principalement auprès des plus fragiles et des «mal-aimés» de la société. Ce rôle n’est pas seulement un devoir, mais un privilège : celui de participer pleinement à la mission de l’Église.

Je suis un homme ordinaire. Pourtant, par mon baptême, je réponds oui! à l’appel que Jésus a autrefois lancé aux douze apôtres : «Va! Je t’envoie, et je te donne autorité pour agir en mon nom.» Réitérons au Seigneur notre disponibilité à le servir.

Envoie-nous, Seigneur, là où tu le voudras, afin que tu accomplisses ton œuvre à travers nous dans le monde. Soyons guidés par la charité, et marqués de cet accent galiléen qui est celui de la simplicité, de la proximité, de la foi et de l’amour vrai.

Notes :

[1] LEMIRE, Marius et Léopold Pelletier. «Eusèbe-N. Ménard, au service des vocations sacerdotales», dans Jean Hamelin (dir.), Les Franciscains au Canada, 1890-1990, Québec, Éditions du Septentrion, 1990.

[2] RODEMBOURG, Christian. Une vie offerte : Père Eusèbe‑Henri Ménard, 120 citations inspirées. Nouvelle Cité, collection Spiritualité, 2017, p. 100.

[3] MÉNARD, Eusèbe-Henri. Testament spirituel. Publication à compte des Missionnaires des Saints-Apôtres, 2006, p. 62.

À PROPOS DE DENIS GAUTHIER

Homme d’affaires, ex-jésuite et de descendance amérindienne, héritage dont il est particulièrement fier, Denis est un univers en soi. Un univers qu’il arpente patiemment et résolument, y semant projets mobilisateurs et fidèles amitiés. Amoureux de la nature, passionné par les humains, il sait convaincre et excelle dans l’art de s’entourer de personnes motivées et créatives qui sauront l’épauler et le suivre.

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