Courrier des lecteurs

Quand il n’y a plus rien, il n’y a que l’amour

Par Administrateur

Courrier des lecteurs

3 mars 2021

Crédit photo : Lighthaunter / iStock

L’échange et la discussion avec nos lecteurs font partie de la mission qui nous tient à cœur. En cette occasion, nous diffusons une histoire inspirante qu’une de nos lectrices nous a transmise, pour répandre la joie et insuffler de l’espoir dans cette période difficile.

 

C’est une histoire toute simple, avec quelques moments de vérité.

En 2015, mon mari était admis en CHSLD (1).

À notre arrivée, nous avons été amenés à ce qui allait devenir sa chambre pour les mois suivants : une chambre à deux lits, très petite, déjà occupée par un monsieur atteint de déficience intellectuelle profonde. Mon mari passait d’un domicile bien pourvu, avec une bibliothèque, des films, des souvenirs et des couleurs, à cette chambre monacale, où son voisin ne différenciait pas le jour de la nuit.

Il m’avait supplié : «Ne me laisse pas ici !» Il pleurait.

Impuissante, je suis sortie dans le couloir interminable. À la vue de ces personnes âgées et hagardes, qui erraient à pied ou en fauteuil roulant, entre les poubelles de couches, les chariots, les employés d’entretien, je suis restée pétrifiée. Par les portes, je voyais des gens dans leur lit, rendus à l’extrême limite de leur vie.

J’étais plantée au milieu du couloir, donc, en état de choc. Je ne pouvais pas croire ce que je voyais.

Et là, j’ai vu une préposée très jeune, blonde, jolie, pimpante comme un printemps, qui a déposé sur un chariot la pile de serviettes qu’elle portait. Puis elle s’est placée devant un très vieux monsieur qui déambulait, le visage anxieux. Elle l’a entouré de ses bras, comme si c’était son père. Chaleureusement, en lui gazouillant des mots encourageants et tendres, elle lui a souhaité une bonne journée. Le monsieur a esquissé un sourire. La préposée a repris sa pile de serviettes et est repartie à la hâte.

Incrédule, je me suis demandé : «Comment elle fait ? Pourquoi ?» Dans un goulag pareil, comment elle fait non seulement pour survivre, mais pour partager candidement un élan de tendresse ?

La réponse a mis plusieurs semaines à me parvenir. Et elle est simple : quand il n’y a plus rien, il n’y a que l’amour. Et il peut prendre toute la place. Alors, on a un choix à faire.

 

Défendre notre humanité commune

 

Depuis ce jour, je m’implique au comité de résidents du CHSLD. Moi, qui craignais comme la peste la maladie, la folie, la vieillesse et la mort, m’y voici plongée jusqu’au cou. Au fil du temps, tous ces vieux messieurs sont devenus mon père. Toutes ces vieilles dames sont devenues ma mère. Je sens un lien très fort avec eux tous. Et c’est sans parler des personnes formidables que je côtoie au comité, qui ont du cœur et de l’humour à revendre.

À ce stade, il n’y a qu’une chose à faire : notre humanité commune doit être défendue coûte que coûte jusqu’à la fin.

J’essaie de faire une différence à ce niveau. Dans le contexte actuel de la réforme du réseau de la santé et de la pandémie, le défi devient colossal. Ça ne suffit pas pour me décourager, car à travers cette revendication de notre humanité, il y a aussi l’affirmation de ce qu’il y a de meilleur en nous, de plus élevé.

Je dois raconter aussi qu’à une période de très grand découragement, je cherchais sur le web quelque chose pour me requinquer. Je suis tombée par hasard sur la biographie du Frère André, avec une photo de lui. J’apprends, à la fin du récit, qu’il est le patron des proches aidants. Aussitôt, je lui déclare :«Si c’est ça, tu vas faire quelque chose pour moi !»

Ce fut instantané. Toute la charge mentale, l’impuissance, la culpabilité ont disparu. Je me suis redressée sur ma chaise avec soulagement. Je me suis mise à rire, à me sentir légère, gaie, c’était incroyable !

 

De l’Aide pour combler un vide

 

Le lendemain, je suis allée voir mon mari au CHSLD. Le décor n’avait plus d’importance. Je me sentais bien. Je n’avais pas raconté à mon mari ce qui s’était produit la veille. Nous étions au rez-de-chaussée et je poussais son fauteuil. Soudain, en passant devant la chapelle, il m’a demandé d’y entrer. Je n’en revenais pas. Il n’est pas croyant.

Nous étions seuls tous les deux. Je sentais qu’il se passait quelque chose et je n’ai pas dit un mot. Au bout de vingt minutes, je me suis tournée vers lui. Il était très ému. Il m’a dit, en désignant un vitrail représentant le Christ : «Il a l’air sympathique, quand même !»

Je souriais intérieurement parce que j’avais toujours trouvé ce vitrail très «amateur» et le visage du Christ peu réussi et sans expression. Que mon mari, un érudit et un connaisseur en matière d’art, réagisse à ce point devant ce vitrail était assez surprenant.

Puis nous sommes allés à la cafétéria, où nous nous sentions tous les deux enveloppés dans un cocon de bien-être, presque de félicité. Une aide certaine nous était accordée à ce moment-là, qui est venue combler un vide.

À un autre moment, je pensais demander l’aide d’un conseiller spirituel, à la chapelle de Beauvoir. Je n’avais jamais fait ça. J’ai fait le chemin en voiture jusque là, et puis je suis revenue tout de suite chez moi en me disant que j’irais un autre jour. Un orgueil mal placé…

À mon retour, j’ai vu la photo du Frère André sur mon écran. Il avait l’air furieux. Alors, je suis retournée là-bas tout de suite. Un frère mariste m’a reçu. Je dois dire que cette rencontre m’a fait le plus grand bien.

Encore là, j’ai reçu de l’aide. Quand je suis revenue chez moi, j’ai regardé la photo du Frère André, il avait l’air très satisfait !

Je vois des armées savantes prêtes à m’expliquer tous ces phénomènes en se basant sur la projection, la suggestion, le fonctionnement du cerveau, Freud, Jung et compagnie. Pourquoi pas ?

Mais une chose est sûre : il y a en nous et pour nous une aide qui existe et qui est inépuisable. La source de cette aide se situe à la frontière entre humanité et divinité. Mais elle ne vient pas à nous d’emblée. Il faut faire un effort, et des démarches. Il faut explorer les ressources qui se présentent à nous, poser des questions, ne pas rester seul, et cogner fort à la porte d’en haut pour réclamer cette aide.

Aide-toi et le Ciel t’aidera ! Oh que oui !

 

Ginette Desmarais
Sherbrooke

 

Note : 

 

1) Dans le système de santé québécois, un centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) est un établissement de soins pour personnes âgées qui nécessitent des soins de santé réguliers.

 

N’hésitez pas à nous écrire si vous avez des questions ou avez été témoin d’une histoire inspirante et vous souhaitez la partager. Nous vous invitons à nous envoyer un courriel à info@fondationperemenard.org  Au plaisir de vous lire!

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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