Conversations

Lorraine Caza : «Espérer contre toute espérance»

photo Miriam Castro

Par Miriam Castro

Conversations

19 avril 2021

Crédit photo : Miriam Castro

En entrevue, sœur Lorraine Caza, cnd, parle de son enfance, de sa vie en communauté, de sa foi profonde en Dieu et de sa passion pour l’enseignement. Elle a été supérieure des Sœurs de Notre-Dame de 1996 à 2006, et doyenne de la Faculté de théologie du Collège universitaire dominicain, à Ottawa.

 

Sœur Lorraine Caza est née à Saint-Jean-sur-Richelieu au sein d’une famille bilingue et très ouverte aux différentes cultures, son père étant Québécois et sa mère,  originaire de la Nouvelle-Écosse. Durant son enfance, elle a vécu une grande épreuve : la mort de son père lorsqu’elle avait neuf ans. «Il avait une tumeur cancéreuse au cerveau. Évidemment, cela a changé bien de choses ! Mais ma mère était une femme qui a montré beaucoup de force, de résilience et d’organisation. Elle a tout fait pour qu’on souffre le moins possible du départ de notre père», se rappelle-t-elle.

Très jeune, elle a connu les Sœurs de la congrégation de Notre-Dame, la communauté dont elle fait maintenant partie, car elle a fait ses études primaires et secondaires au pensionnat de Saint-Jean, puis les quatre années d’études classiques au Collège Marguerite-Bourgeoys à Montréal.

 

La vie religieuse

 

À l’âge de vingt ans, elle décide de devenir sœur de la congrégation de Notre-Dame pour «donner sa vie», un souhait qu’elle caressait depuis l’âge de six ans lorsqu’elle a fait sa première communion. Sa mère accepte avec peine sa décision d’entrer dans une communauté religieuse.

«C’est maintenant que je réalise ce que j’ai demandé à ma mère. À cet âge-là, on pense plus à ce qu’on se demande à soi-même. On n’est pas conscient des autres. Ma mère avait l’air tellement en possession de ses moyens que je ne me suis pas inquiétée à penser que mon départ allait l’affecter beaucoup. Je pense que je n’ai pas su voir les signes qu’elle m’a donnés.»

Une personne clé durant son discernement spirituel a été Mgr Lucien Labelle, qui était aussi professeur de philosophie et animateur de vie culturelle, intellectuelle et spirituelle. Il a créé la Fondation de la vidéo religieuse (maintenant connue comme la Fondation Lucien-Labelle), dont la mission est de contribuer à la production d’émissions de télévision et de radio, pour mettre en relief les réalités de la foi, particulièrement de la foi chrétienne.

 

Les études supérieures

 

Lorraine a fait des études en mathématiques à l’Université Notre-Dame, aux États-Unis. Ainsi, elle a peut enseigner toutes les matières du secondaire, notamment les mathématiques, ce qui lui donne beaucoup plus d’autorité auprès des élèves, dans le contexte social de la Révolution tranquille des années 1960.

 

Un jour, un de mes professeurs m’a dit : “Moi, je suis allé à la messe dans ma paroisse. Si moi, je faisais en mathématiques ce que le curé a fait dans son homélie, je perdrais mon emploi immédiatement”. Intérieurement, je me suis dit qu’il devait y avoir un moyen en théologie d’être aussi rigoureux qu’en mathématiques.

Lorraine Caza

 

Sœur Caza avait toujours rêvé d’avoir la possibilité d’approfondir sa connaissance de la parole de Dieu en faisant des études en théologie. Un jour, la supérieure générale de la congrégation lui annonce la bonne nouvelle : elle peut s’inscrire au Collège universitaire dominicain, à Ottawa, qui vient tout juste de recevoir l’autorisation d’admettre des femmes comme étudiantes régulières. Elle devient ainsi la première et seule étudiante régulière. «On était en 1967, ils voulaient que je reste et que je sois le plus à l’aise possible… Lorsque je pense à l’ensemble de ma formation chez les Dominicains, je pense que je me suis toujours sentie bien».

 

L’espérance contre toute espérance

 

Après avoir obtenu une maîtrise es-arts en théologie, un doctorat à l’École biblique et archéologique de Jérusalem et finalisé la rédaction de sa thèse doctorale à Fribourg, en Suisse, Lorraine donne son premier cours au Collège dominicain. Celui-ci est axé sur l’espérance, qu’elle décrit comme «sa couleur de base». Lorsqu’elle prépare son cours, elle a l’occasion de lire l’œuvre Théologie de l’espérance, du théologien allemand Jürgen Moltmann.

 

J’ai eu la grâce d’avoir une grippe qui m’a gardée deux jours à la maison. Pendant ces jours, j’ai lu sans arrêt. L’espérance chrétienne c’est l’espérance contre toute espérance, disait saint Paul. L’espérance est au cœur de toute ma vie et certainement de toute ma réflexion théologique avec le Mystère pascal : la passion, la mort et la résurrection de Jésus.

Lorraine Caza

 

Sœur Caza explique que Moltmann ne parle jamais de la passion de Jésus sans parler de sa résurrection. Il ne parle jamais de la résurrection de Jésus sans parler de ta résurrection, de notre résurrection finale. Il ne parle jamais de la résurrection finale en la détachant de la résurrection de Jésus.

Dans sa thèse doctorale, Lorraine Caza analyse le cri de Jésus sur la croix : «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?». Elle passe plusieurs années de sa vie à réfléchir sur ce petit bout de phrase contenu dans l’évangile de Marc et celui de Matthieu. «Je pourrais reprendre toute la théologie à partir de cette phrase. Pour moi, ce n’est pas un cri de désespoir, mais c’est un cri qui dit jusqu’où Dieu est prêt à venir nous rencontrer dans nos misères les plus profondes.»

«Quand un arbre tombe, on l’entend ; quand la forêt pousse, pas un bruit». Avec ce proverbe, sœur Caza fait référence à la crise actuelle liée à la pandémie de coronavirus. Se définissant comme une personne d’espérance contre toute espérance, elle affirme qu’il y a des signes subtils qui se manifestent au quotidien, des transformations profondes qui se travaillent quasiment sous la terre, et qui feront émerger des changements positifs dans toutes les sphères de la vie humaine.

 

À PROPOS DE MIRIAM CASTRO

Passionnée des voyages et des nouvelles cultures, Miriam décide de s’établir au Québec et obtient une maîtrise en communication à l’UQAM, tout en travaillant comme directrice de la Fondation Père-Ménard. Lorsqu’elle n’est pas en train de courir pour faire sa méditation en mouvement, elle lit, regarde des séries ou partage un bon repas avec les gens qu’elle aime.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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