Événements

L’expérience migratoire au centre de la foi

photo Miriam Castro

Par Miriam Castro

Événements

25 mars 2020

C’est d’abord l’Exil, et ensuite l’Exode, qui ont placé l’expérience migratoire au centre de la foi, d’abord juive et ensuite chrétienne. Ce sont des réfugiés qui ont écrit l’Ancien Testament, explique Martin Bellerose, théologien, auteur et conférencier. 

 

Le sujet est plus que pertinent dans l’état de choses actuel où des crises migratoires (et aussi sanitaires avec la pandémie du COVID-19) se succèdent et des pays ferment leurs frontières devant l’afflux de milliers de réfugiés vers leurs territoires.

En janvier 2020, Martin Bellerose a prononcé sa conférence Le christianisme, la religion de la sortie de la religion, lors d’une soirée organisée par le Centre culturel chrétien de Montréal à l’Institut de pastorale des Dominicains.

 

La religion première

 

Martin Bellerose expose les grands moments de l’histoire politique du phénomène religieux, tenant compte de l’analyse faite par le philosophe et historien français Marcel Gauchet. Au départ, la religion est une hétéronomie, car l’être humain agit selon les diktats de la volonté des dieux. Une sorte d’animisme ou de panthéisme, car la nature est un écho de la volonté du divin ou des ancêtres.

L’être humain commence à s’organiser en société et on va reconnaître une autorité à certaines personnes comme les chefs de clan. La politique s’instaure avec l’articulation d’un mécanisme d’interprétation de la volonté des ancêtres avec un État, avec des pharaons, avec des rois, avec des prêtres. «Ceux qui ont la qualité de pouvoir interpréter la volonté des dieux seront au pouvoir, car cela fait partie aussi de la volonté divine.»

 

L’avènement du christianisme

 

Dans la religion première, le seul culte possible est une action de grâce où on va remercier les divinités avec des offrandes et des sacrifices humains. Cependant, à un moment donné, les conditions de vie des êtres humains vont devenir inacceptables et il va apparaître une insatisfaction par rapport au monde. Est-ce que Dieu veut cela pour nous ? «Un grand problème apparaît. S’il y a un Dieu, vrai et unique, à la fois beau et tout puissant, comment expliquer la misère et l’exclusion dans le monde ?»

Et c’est à ce moment que la foi telle qu’on la connaît apparaît. Pas la foi comme un simple système de croyances, mais la foi comme un projet de société à venir. Dans cette perspective, on comprend que Dieu est quelque chose qui se développe à travers l’histoire. Chez Platon et Aristote, Dieu est compris comme étant au-dessus de notre intelligence et de notre capacité à comprendre.

Et puis un jour va apparaître quelqu’un avec un projet de société et à qui on va attribuer des pouvoirs divins, à qui on va même considérer comme venant de Dieu, mais en dehors des sphères politiques du pouvoir. Cela constitue en soi une grande révolution sans précédent.

 

 Il ne vient pas d’une royauté. Jésus, fils de charpentier, et le Christ est un oxymore en soi. Deux contraintes qui s’assemblent pour créer un nouveau sens. Jésus, qui n’a aucun pouvoir religieux, est porteur de la volonté divine en dehors de schémas habituels.

Martin Bellerose

 

L’engagement social des chrétiens

 

Avec le temps, la foi devient de plus en plus personnelle à un point tel que dans les sociétés contemporaines, on vit la foi dans la maison et les croyants commencent à prendre position à partir de ce qu’ils vont considérer comme étant une injustice.

Ils savent qu’ils ont un rôle à jouer pour transformer la société et l’injustice ne va pas dans le sens de leur projet de société, de leur projet de royaume de Dieu.

Dans la foi chrétienne, les intérêts qui sont protégés ne sont pas les intérêts individuels, mais les intérêts collectifs. Parfois, ces intérêts ne concernent pas les personnes qui vont prendre certaines causes à cœur. «Il y a une sollicitude envers l’autre qui est promue dans la foi chrétienne car il y a un projet de société commun, un projet scatologique.»

 

C’est là qu’il y a une liberté de conscience, la liberté de défendre la position qui est celle de Dieu, pas d’une institution qui le dit. Évidemment, comme croyant je vais le faire à partir de balises exprimées à travers les textes bibliques et à travers l’expérience chrétienne.

Martin Bellerose

 

Désormais l’engagement social des chrétiens ne passe plus par l’État, mais par des groupes d’individus qui vont se mettre ensemble pour défendre une cause qui leur tient à cœur, toujours guidés par la foi.

 

Migrants détenus à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Crédit photo : John Moore/Getty Images

 

Au Québec, des paroisses, des communautés religieuses, des diocèses se mobilisent pour lutter contre des injustices sociales. «Il y a encore quelques années, 92 % des groupes communautaires qui luttaient pour les droits de réfugiés et des immigrantes avaient une charte religieuse avec des principes de foi.»

Par exemple, ce sont trois grands organismes qui chapeautent le parrainage des réfugiés : le Service Jésuite des réfugiés (JRS), le Diocèse de Montréal et Action Réfugiés Montréal, de l’Église anglicane et presbytérienne. «Donc, ce sont des églises qui font le travail de se réunir pour parrainer des personnes, des chrétiens présents dans la sphère publique d’une façon jamais vue auparavant.»

 

Pour en savoir plus :

 

Bellerose, Martin (2008), Les chrétiens et la sortie de la religion. Une nouvelle présence chrétienne dans la société post hétéronome. Bogotá : Éditions Anthropos.

 

À PROPOS DE MIRIAM CASTRO

Passionnée des voyages et des nouvelles cultures, Miriam décide de s’établir au Québec et obtient une maîtrise en communication à l’UQAM, tout en travaillant comme directrice de la Fondation Père-Ménard. Lorsqu’elle n’est pas en train de courir pour faire sa méditation en mouvement, elle lit, regarde des séries ou partage un bon repas avec les gens qu’elle aime.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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