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Les paroles qui suivent, dans la bouche de Jean Baptiste, sont les premières de la Source. Leur importance est signifiée par le verset de conclusion : Jésus s’est reconnu dans la lecture de la réalité offerte par Jean, il s’est laissé interpeller par elle et, en conséquence, il s’est soumis au baptême proposé par ce dernier (v 21).
En disant qu’à l’occasion de son baptême, les cieux se sont ouverts et que le souffle de Dieu est venu sur lui, le rédacteur signifie qu’ainsi équipé pour la tâche, Jésus a entrepris de vivre dans la ligne tracée par Jean. On ne saurait donc trop insister sur l’importance des paroles qui suivent :
Q 3,7b Enfants de vipères!
Qui vous a appris à fuir la Colère à venir?
8 Retournez-vous bout pour bout et donnez du fruit en conséquence.
Ne sombrez surtout pas dans l’illusion de pouvoir compter sur votre père Abraham, car, je vous le dis, Dieu peut, à partir de ces pierres-ci, susciter d’autres enfants à Abraham.
9 La racine des arbres sent déjà la hache sur elle : quel que soit l’arbre qui ne produit pas de bon fruit, le voilà abattu, jeté au feu.
16b Moi, je vous plonge dans l’eau. Mais Celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, au point que je ne suis même pas digne de lui enlever les sandales. Lui, il vous plongera dans le souffle sacré et le feu.
17 Son tamis à la main, il va faire place nette : au grenier le blé, mais au feu la paille, feu jamais éteint.
21 Alors que Jean le plonge dans l’eau, les cieux s’ouvrent pour Jésus, et voilà le souffle sur lui.
Le début peut paraître déconcertant, car il est passablement rude. Les auditeurs sont vigoureusement interpellés, et placés brutalement devant la «Colère» de Dieu (v 7b). Il faut accepter de se faire secouer par ce langage à première vue rebutant, qui est pourtant au cœur de la parole de Jean et de l’agir de Jésus.
Le fond de scène est que Dieu en a ras-le-bol de la folie des humains, des injustices sur lesquelles sont fondées leurs institutions, et des relations catastrophiques entretenues avec la nature. Si on n’admet pas cette colère de Dieu, on n’entend rien à l’évangile, car Jésus, lui, l’avait tellement bien comprise qu’il s’est reconnu dans la parole de Jean.
L’illusion d’être dans «la bonne religion»
La suite du texte tire les conséquences de ce qui précède. Il faut se virer de bord, faire un 180 degrés, et repartir sur le bon pied (v 8). Et attention ! poursuit la Source, il serait illusoire de se fier à la religion pour se croire tiré d’affaire : des enfants d’Abraham, Dieu peut en faire à la tonne (v 8b). Un avertissement qui garde toute sa valeur. Se fier au fait d’être dans «la bonne religion», qui a les promesses de la vie éternelle, pour se penser correct, c’est se faire illusion.
On n’a qu’à regarder autour de soi : les églises sont vides, mais il existe présentement une multitude de «croyants et croyantes», que Dieu a fait surgir, en dehors de la religion, afin de lutter pour la justice et l’environnement. Le Dieu qui est en colère se fout des étiquettes, il veut des résultats. Jean et Jésus, d’ailleurs, sont de parfaits exemples de ce mode d’agir de Dieu. L’un et l’autre étaient marginaux par rapport au fonctionnement de leur société, et ils en ont chèrement payé le prix.
Remettre de l’ordre
Selon la Source, quand Dieu n’a pas ce qu’il veut – autre parole pas mal rude au v 9 –, il se débarrasse de celles et de ceux qui ne servent à rien, «quels qu’ils soient», quelles que soient leur religion et leur situation dans la pyramide de l’organisation. Il devrait être évident, à ce point du texte, que la Source présente un Jean dont la fonction est d’administrer un traitement choc à des croyants qui ne comprennent rien à rien.
Beaucoup de ceux-là, enfermés dans leurs rites et leurs religions, ne voient toujours pas que le monde et la planète sont en perdition, et que la préoccupation de Dieu, ce n’est pas l’église, la mosquée ou la synagogue, mais la terre, avec l’humanité qui s’y trouve.
En conclusion, Jean présente le Jugement de Dieu, sous la figure de «Celui qui vient derrière» lui. Il ne parlait alors pas de Jésus, mais d’un mystérieux personnage qu’à l’époque on appelait «l’Humain» (le fils de l’homme), qui devait, à la fin de tout, remettre de l’ordre dans la réalité et révéler la densité humaine des êtres. Il allait donc «faire place nette», en se débarrassant de ce qui n’aura servi à rien et en conservant le reste (vv 16b-17).
En terminant, il faut réfléchir sur le problème posé par le fait qu’en Église, on n’entende pour ainsi dire jamais parler de cette façon qu’avait Jean de voir la vie, laquelle a fait dire à Jésus que «de tous les enfants des femmes, Jean est le plus grand» (7,28a). Car, après tout, si Dieu est bien tel que Jean, approuvé par Jésus, le dit, que sommes-nous à ses yeux ? Autre chose que du bois mort ?
4e texte de la série La Source des paroles de Jésus.
À PROPOS D’ANDRÉ MYRE
André est un bibliste reconnu, auteur des nombreux ouvrages, professeur retraité de l’Université de Montréal et spécialiste des Évangiles, particulièrement de celui de Marc. Depuis plusieurs années, il anime de nombreux ateliers bibliques.
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