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La foi est confiance qu’adopter le chemin de vie de Jésus contribue à façonner un bel être humain. Or, la vie est une pierre précieuse qui a une infinité de facettes.
C’est pourquoi, la Source, qui a pour but de faire connaître la voie à suivre, est la mise en mots de toutes sortes d’expériences faites au cours des deux premières décennies du christianisme galiléen. La petite parabole qui suit (Q 14,11.16-23) est le fruit d’un étonnement : au lieu de les rassembler, l’annonce du régime de Dieu divise les gens :
Q 14,11 Quiconque s’élève sera abaissé,
et qui s’abaisse sera élevé.
16 Un homme prépare un superbe repas et invite beaucoup de monde. Quand le repas est prêt,17 il envoie son esclave dire aux invités :
Venez vite, c’est prêt.
18 Mais l’un est parti sur ses terres,19 un autre voir à ses affaires. 21 De retour, l’esclave fait son rapport à son maître, qui devient furieux :
23 Va-t’en par les chemins et invite tous ceux que tu trouveras.
Il faut que ma maison se remplisse.
1. La parabole est précédée d’une parole (v 11), typique de l’évangile et ancrée dans l’expérience fondamentale de Jésus : le Parent se révèle aux tout-petits et se cache des grands (Q 10,21). La rencontre de Dieu se fait dense à la base de la société, et rare au sommet. La parole a donc à la fois valeur de panneau indicateur et d’avertissement. Dieu se cherche et se rencontre «en bas», et, suivant son échelle de valeur, il reconnaît la dignité humaine de celles et ceux qu’il a rencontrés et il les «élève» dans son Régime pour que tous voient clairement ce que vaut un être humain.
Mais il fait le contraire pour les autres qui l’ont cherché ailleurs : il les rabaisse pour que, contrairement à ce qu’ils faisaient dans l’Histoire, ils ne puissent prétendre être des modèles d’humanité, ne soient pas mis de l’avant et découvrent qu’ils ont raté leur vie. Ces mots sont aussi durs à écrire qu’à lire, aussi la parabole leur a-t-elle été jadis adjointe dans le but de faire comprendre l’enjeu vital qui est en cause.
2. Appliquons cette parabole à la situation d’aujourd’hui.
. L’«homme», c’est la Réalité.
. Le «repas», ce sont les immenses ressources de notre superbe planète.
. Les «invités», c’est l’humanité dans son ensemble.
. L’ «esclave», ce sont les écologistes et les intervenants en milieux populaires.
. Ce qu’ils «disent», c’est que si l’humanité se partage équitablement les biens de la planète en la respectant, il y en a assez pour tout le monde.
. Mais les pays qui ont beaucoup de ressources disent qu’elles leur appartiennent, et ils ferment leurs frontières pour que les autres ne viennent pas manger chez eux. Certains font la guerre pour en avoir plus en se débarrassant des autres. De leur côté, les entreprises cherchent à grossir et grossir et grossir pour pouvoir écraser de leur poids celles qui veulent les empêcher de grossir. Et tous ces gens malmènent la planète, comme si elle allait toujours les accommoder. Et ils refusent de participer au repas commun.
. La colère, c’est celle des millions de réfugiés et de déplacés qui se massent aux frontières des pays riches, ou ces autres millions de laissés pour compte ou d’itinérants qui, de leurs tentes fragiles, contemplent les immenses maisons à quatre portes de garage. Un jour, bientôt, forts de leur nombre ces millions de gens «furieux» feront tomber les têtes comme jadis en France.
Certes, les circonstances qui ont marqué la rédaction du texte de la Source et celle de son actualisation ne sont pas les mêmes. Mais l’objectif des deux est identique. La parabole originale annonce l’effet de la colère de Dieu contre le refus des grands de partager avec les pauvres, tandis que son actualisation met en garde contre le danger qu’éclate celle de l’immense masse des pauvres du monde. Cependant, tant la parabole que l’actualisation en sont au stade de la surprise : «comment se fait-il que la perspective du régime de Dieu déplaise tellement aux grands?», ou «comment se fait-il que ces derniers soient tellement hostiles à la perspective que les ressources de la planète soient partagées équitablement par l’humanité dans son ensemble?». Dans les deux cas, l’éclatement de la colère est pour plus tard. Il est encore temps de prendre les bonnes décisions.
À PROPOS D’ANDRÉ MYRE
André est un bibliste reconnu, auteur prolifique et spécialiste des évangiles, particulièrement de celui de Marc. Il a été professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Montréal. Depuis plusieurs années, il donne des conférences et anime des ateliers bibliques.
Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.