Des femmes inspirantes

Les grandes femmes de la Bible

photo Lucie Lepine

Par Lucie Lépine

Des femmes inspirantes

29 septembre 2021

Anselm Feuerbach, La prophétesse Miryam, 1862, Alte Nationalgalerie, Berlin.

On a souvent entendu parler des grands hommes de la Bible, tels les Abraham, Moïse, David, Salomon, Isaïe, Jérémie…   Les grandes femmes ont été cependant beaucoup moins mises de l’avant.  Je me permets donc dans cette chronique-ci, et continuerai dans les prochaines, à vous en présenter quelques-unes.

 

Shifra et Poua, deux femmes audacieuses

 

Les deux premières vous sont sans doute totalement inconnues, et il est probable que, même sachant leur nom, vous ignoriez même à quelle époque elles ont vécu, dans quel pays, et la raison de leur renommée.  Il nous faut donc reculer de plus de 3000 ans, et nous rendre en Égypte, où une population d’origine étrangère est traitée en esclave. Dans Ex 1, 8-9, on lit ceci :

 

Un nouveau roi, qui n’a pas connu Joseph, se lève sur l’Égypte, et il dit à son peuple : ‘Ah, le peuple des fils d’Israël est devenu plus nombreux et plus fort que nous.’

 

Ce roi enjoint alors à Shifra et Poua, deux accoucheuses qui exerçaient leur métier au service du peuple hébraïque, et leur ordonne de faire mourir les garçons à leur naissance et de laisser vivre les filles. Ce serait une belle façon de réduire ces exilés.  Mais les sages-femmes n’écoutant que leur conscience, contestent l’ordre du roi et laissent vivre les enfants. Le roi s’aperçoit bien qu’il y a encore beaucoup de garçons dans les familles. Aussi reproche-t-il leur désobéissance aux sages femmes. Rusées, celles-ci ne s’en laissent cependant pas imposer :

 

Les femmes des Hébreux ne sont pas comme les femmes égyptiennes, elles sont fortes : quand l’accoucheuse arrive auprès d’elles, elles ont déjà accouché. Dieu protège les accoucheuses, de sorte que le peuple se multiplie et  se renforce beaucoup devenant un grand peuple.

[Ex 1,19-20]

 

Un texte savoureux! On a certes peine à imaginer que des femmes puissent autant contester l’autorité à cette époque… Mais il reste significatif qu’on leur ait attribué un tel comportement. Ce récit a nourri la légende, qui a accentué leur grandeur en les rendant présentes au cours de la naissance de Moïse.

 

Miryam (1)

 

Aux temps héroïques des débuts, il est une autre femme audacieuse, qu’il faut, celle-là, ranger parmi les prophétesses, une ancêtre des prophètes littéraires qui ont marqué l’histoire d’Israël. On a certes beaucoup entendu parler de Moïse, beaucoup plus que de Miryam, sa sœur.

Il faut pourtant parler d’elle comme de la sauveuse du sauveur. On sait que le roi égyptien n’est pas à court de moyens pour détruire le peuple d’Israël. Après avoir été déjoué par la ruse des sages femmes, il ordonne au peuple de jeter au fleuve tout enfant mâle qui a réussi à survivre. La mère de Moïse réussit cependant à cacher son enfant durant trois mois.

Quand elle ne peut plus le cacher, elle prend un coffre de roseau, elle l’enduit de bitume et de poix, elle y place l’enfant et le met dans les joncs du bord du fleuve.

Miryam, très inquiète du sort de son petit frère, suit la situation de près et voit la fille du Pharaon recueillir l’enfant. Elle s’empresse donc de proposer à celle-ci de trouver une nourrice pour le bébé, laquelle se trouvera être sa mère.

Après la sortie d’Égypte, durant la marche au désert, Miryam reproche à Moïse son inconduite pour s’être épris d’une étrangère, une femme Koushite. Miryam est alors punie de la lèpre : elle n’avait pas le droit de critiquer ce grand personnage qu’était devenu son frère. Elle sera certes guérie, mais seulement après avoir été exclue du camp pendant sept jours.

Il est intéressant de noter que le peuple entier attend que Miryam soit de retour avant de reprendre sa marche dans le désert. On a beaucoup de considération pour elle. Il fallait qu’elle ait une grande autorité pour qu’on lui fasse dire :

 

N’est-ce vraiment qu’à travers Moïse que Yhwh a parlé? N’a-t-il pas parlé avec nous?

 

Elle s’attribue le même droit de parole que Moïse et Aaron. Ce n’est pas rien. Aussi, lui attribue-t-on le titre de «prophétesse» après le passage de la Mer Rouge, alors qu’à la tête du chœur des femmes qui la suivent, elle chante un cantique d’action de grâce. Il faut supposer que Miryam avait patiemment réussi à créer des liens au quotidien avec ces femmes, pour devenir une porte-parole écoutée et une leader à qui on faisait confiance.

Critique du leadership de son propre frère, elle est l’ancêtre des grands prophètes qui, au cours des siècles, s’opposeront farouchement aux rois qui, au fil des ans, gouverneront Israël et Juda. On racontera aussi que c’est grâce à elle que l’eau, destinée à désaltérer le peuple au désert, surgit d’un rocher, à Mériba, en plein désert, un geste puissant qui annonce ceux que poseront les prophètes Élie et Élisée. Comme Moïse, elle mourut sans entrer en terre promise.

Miryam n’a pas été la faire-valoir de Moïse. Par son audace, son esprit critique, l’autorité de sa parole et la portée de ses gestes, elle fut un grand personnage, dans une culture qui n’avait pas coutume de valoriser les femmes.

J’espère que vous aurez autant de plaisir que j’en ai eu à relire ces textes, lesquels me laissent pourtant avec une interrogation : Pourquoi n’en avais-je jamais entendu parler avant mes études à la Faculté de théologie de l’Université de Montréal?

 

Note :

 

1) Voir Ex 2, 2-10; 15,19-21; 17,6; Nb 12, 1-15; 20, 1-2; 10ss; Dt 24 24,8-9.

 

À PROPOS DE LUCIE LÉPINE

Après une carrière en enseignement au primaire et au secondaire, Lucie s’est impliquée au sein des groupes communautaires comme le Carrefour Familial Hochelaga et des associations chrétiennes comme le Centre de pastorale en milieu ouvrier, la Conférence religieuse canadienne et la Fondation de la jeunesse ouvrière, entre autres. Lucie a fait des études bibliques à l’Université de Montréal et aime la vitalité culturelle montréalaise.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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