Suggestions de lecture

L’art de se laisser imprégner d’une infinie sagesse

photo Renée Thivierge

Par Renée Thivierge

Suggestions de lecture

1 janvier 2020

Ce livre nous initie à une forme de méditation où l’on s’assoit sur un coussin, les jambes croisées, le buste redressé. Zazen est un terme formé des mots japonais za (s’asseoir) et zen (pratique de la méditation). Cette méditation est sans objet, ce qui signifie que  «nous ne concentrons pas notre esprit sur quelque chose de particulier».

 

De plus, «nous ne réfléchissons pas non plus à une quelconque question, privée ou doctrinale». Enfin, «nous ne cherchons pas à voir nos pensées, ni à les arrêter, ni à atteindre la pureté ou un état spécifique de la conscience». Il s’agit tout simplement de rester assis, «le corps faisant de son mieux pour conserver une position correcte.»

 

Une succession de courts chapitres

 

En 1975, Pierre Crépon a été ordonné moine par Me Taisen Deshinaru, maître bouddhiste zen japonais de l’école Sōtō, dont il est devenu l’un des proches disciples. Il a été rédacteur en chef de la revue Zen de l’AZI (Association Zen Internationale).

L’ouvrage lui-même est composé de soixante-dix chapitres pas nécessairement reliés entre eux et qui traitent de nombreux sujets touchant de près ou de loin à la pratique du zazen, et issus de notes de l’auteur «pendant des enseignements oraux qui s’échelonnent sur plus d’une dizaine d’années.»

D’entrée de jeu, le premier chapitre nous suggère qu’il est naturel de s’asseoir. «Pour un être humain, nous explique l’auteur, il est naturel de bouger, de rire, d’aimer, et il est également naturel de s’asseoir et de se recueillir. Le moment où l’on s’assoit et où l’on se recueille n’est pas celui où l’on bouge, où l’on rit, où l’on aime, mais il n’est pas non plus en opposition avec ces activités.» L’auteur nous enseigne qu’il est nécessaire de pratiquer la voie. «Si on ne fait que parler de celle-ci, de lire à son sujet, d’y penser, de l’imaginer, on reste complètement à l’extérieur.»

 

Me Deshinaru en position zazen

 

 

Ne pas juger et naître de la boue

 

Au chapitre 18, Zazen, c’est s’abstenir, il est suggéré de ne pas juger les pensées qui nous envahissent pendant la méditation. «Le secret du zazen, dit l’auteur, c’est de laisser passer ces pensées, ne pas les repousser en se disant “ceci est une pensée mauvaise, alors je la repousse”, de pas chercher à les garder en se disant “ceci est une pensée plaisante, alors je la retiens”».

«On s’abstient de jugement. On s’abstient de préhension ou de rejet.» Pour l’auteur, «cette abstention permet de voir les choses de façon plus large et de laisser jaillir l’intuition qui se mêlera à la réflexion pour prendre la bonne décision.»

Au chapitre 51, l’on retrouve un poème de Sengai (moine japonais – 1750-1837) :

 

Même dans l’eau boueuse

La fleur de Lotus conserve sa pureté

En vérité, elle s’épanouit

Merveilleuse

Parce que de la boue elle est née. 

 

Le lotus, «le symbole du Bouddha et de son enseignement», nous fait faire un parallèle entre cette magnifique fleur qui émerge de l’eau boueuse «sans être affectée par la saleté de l’eau», et notre vie, parsemée de difficultés et de souffrance, qui permet à notre esprit «l’esprit pacifié et éveillé de Bouddha» de s’épanouir. Ces douleurs et ces difficultés, loin d’empêcher cet épanouissement ou de lui nuire, sont le terreau qui met en lumière la beauté pure et incomparable de cette fleur qu’est notre esprit.

 

Les torrents coulent sans laisser de trace

 

Enfin, le livre se termine par ce poème de Li Po, l’un des plus grands poètes chinois de la dynastie Tang. Ce texte résume à mon avis l’essentiel de ce que vit l’adepte de la méditation zazen :

 

On me demande pourquoi je vis sur cette montagne bleue.

Je souris sans répondre.

Mon esprit est à l’aise,

Le pêcher est en fleurs et les torrents coulent sans laisser de trace. 

Comme tout cela diffère du monde des hommes. 

 

Ce livre peut faire penser à une corbeille de fruits déposée sur une table. Chaque fruit est juteux et d’un goût différent par rapport à l’autre. Et chaque fois que nous en dégustons un, l’arôme et la saveur continuent à nous habiter et à nous combler. C’est pourquoi il me semble important de le lire avec lenteur et vraiment prendre plaisir à savourer son pouvoir apaisant.

Et peut-être se laisser, tenter, et s’asseoir pour méditer sans objet, et sans jugement. Se laisser imprégner de cette infinie sagesse que vous procurera la lecture de L’art du zazen.

 

À PROPOS DE RENÉE THIVIERGE

Journaliste, auteure, traductrice et dramaturge, Renée s’intéresse depuis toujours à la philosophie et à la spiritualité. La beauté et l’humain sont ses meilleures sources d’inspiration et elle croit passionnément au pouvoir des mots afin de repousser et teinter de poésie les limites d’un monde souvent filtré et médiatisé.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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