Chroniques

La lignée de foi

photo Lucie Lepine

Par Lucie Lépine

Chroniques

24 février 2021

Crédit photo : Timonko / iStock

La foi chrétienne est moins une affaire de credo que de marche sur un chemin dont le parcours est tracé par une lignée depuis plus de 3000 ans.

 

La lignée

 

La lignée part d’Abraham, qui a quitté ses certitudes pour faire du neuf. Elle passe par Moïse qui, avec d’autres, a libéré son peuple de l’esclavage. Elle entraîne les prophètes, qui ont eu le courage de dénoncer les institutions civiles et religieuses opprimantes de leur époque. Elle contient la méconnue Vasthi, qui n’a pas accepté d’être traitée en objet par son royal époux. (Gn 12; Ex 3; Am1-2; 0s 4; Is 58; Est 1.)

Cette lignée marche au nom de l’être humain, tiré de la glaise et donc lié à la terre. Si l’humanité détruit son environnement, elle se détruit elle-même. Aussi, le cultivateur pouvait-il travailler sa terre pendant six années, mais la septième, il devait la laisser se reposer. Et les fruits de cette septième année devaient être remis aux pauvres (Ex 23,10). Car si l’humanité n’a pas le souci des membres les plus faibles de son grand corps, elle tombera malade. C’est pourquoi la lignée cherche à protéger la veuve et l’orphelin; elle veille à ce que, le soir, on remette au pauvre le manteau qu’il a mis en gage le jour, pour ne pas qu’il meure de froid la nuit (Ex 22,6).

Et même les plus riches ont besoin de protection – contre eux-mêmes ! C’est pourquoi le jour du sabbat a-t-il été inventé par la lignée. C’est que le travail n’est pas un absolu, ni la rentabilité, ni l’efficacité. Tout le monde doit passer une journée par semaine, pour prendre le temps de vivre librement : «Tu feras trêve à tes occupations […] pour que prenne aussi souffle le fils de ta servante, ainsi que l’étranger.» (Dt 5,12-15) La lignée marche pour que l’humanité vive libre sur sa terre à elle.

En répondant positivement à l’appel que lui lançait Jean Baptiste, Jésus de Nazareth s’est inscrit dans la lignée en marche depuis Abraham, et il en a prolongé le tracé. C’est cependant un chemin qui n’est pas de tout repos. Aussi, même si le Nazaréen n’avait pas fondé d’Église, ses partisans, après sa mort, ont-ils senti l’urgent besoin de se rassembler pour parler de lui et s’entraider à marcher sur son chemin, entrant ainsi dans la lignée déjà millénaire.

 

Une Église désalignée

 

Si j’ai aussi longuement parlé de la lignée, et du chemin de vie qu’elle trace, c’est pour faire comprendre ma conviction que mon Église est sortie de la lignée, puisqu’elle est arrêtée et déboussolée. Elle est devenue une Église mâle, romaine, hiérarchique, dogmatique, loin de la vie, et a perdu de vue les femmes, déjà rendues là-bas, loin devant. Alors que la lignée sait son chemin et avance bravement dans la vie, les instances décisionnelles de l’Église tournent en rond dans leurs édifices et ne vont nulle part.

Alors que l’évangile indique une direction, il est lu comme s’il était un code de lois, un manuel de morale et l’ami du système. Alors que la lignée traverse toutes sortes de cultures, parle toutes sortes de langues et invente un nouveau monde, mon Église parle une langue qui n’existe plus, se sert de concepts incompréhensibles, et proclame une foi que la lignée trouve incroyable. Et alors que la lignée marche toujours, mon Église fait du surplace avec ses sacrements, sa liturgie, sa catéchèse.

Elle ne voit même plus la lignée, si loin, là-bas, en avant…

 

Marcher en attendant

 

Il n’est pas confortable de chercher à avancer dans la vie, avec la lignée, tout en perdant du temps à regarder en arrière, en espérant entrevoir une Institution au pas de course pour rattraper les troupes. Comment fait-on pour vivre aujourd’hui dans la lignée, quand on ne sait même pas si l’Institution sera là demain ?

Je vous reviens là-dessus le mois prochain.

 

À PROPOS DE LUCIE LÉPINE

Après une carrière en enseignement au primaire et au secondaire, Lucie s’est impliquée au sein des groupes communautaires comme le Carrefour Familial Hochelaga et des associations chrétiennes comme le Centre de pastorale en milieu ouvrier, la Conférence religieuse canadienne et la Fondation de la jeunesse ouvrière, entre autres. Lucie a fait des études bibliques à l’Université de Montréal et aime la vitalité culturelle montréalaise.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

Partager :

Suivez-nous sur Facebook

Suivez la fondation sur Facebook afin de rester informé sur nos activités, nos projets et nos dernières publications.

Je m’abonne

Envie de recevoir plus de contenu?

Abonnez-vous à notre liste de diffusion et nous vous enverrons un courriel chaque fois qu’un nouveau billet sera publié, c’est facile et gratuit.

Je m’abonne