Conversations

Jean-Louis Lebel, une vie consacrée à aider les enfants des rues

photo Renée Thivierge

Par Renée Thivierge

Conversations

8 janvier 2020

Après une carrière d’enseignant dont les douze dernières années en éducation physique au Québec, Jean-Louis Lebel part au Pérou pour travailler pendant deux ans comme bénévole dans La ciudad de los niños, un foyer situé dans une banlieue de Lima, au Pérou. C’est là qu’il découvre ces jeunes de la rue qui, chassés de leur foyer ou victimes d’une situation familiale intenable, choisissent ce mode de vie.

 

Après un an d’études en administration, Jean-Louis étudie un an et demi au Collège Saint-Jean-Vianney à Montréal, où il fait la rencontre du père Ménard qui devient son conseiller spirituel. C’est un tournant dans sa vie. «Sa spiritualité était incarnée, me confie-t-il. Je dirais qu’il vivait l’Évangile au quotidien, en plus d’éprouver une grande compassion pour ceux qui souffrent à tous les niveaux. Il m’a beaucoup inspiré.»

 

Un long apprivoisement

 

Jean-Louis Lebel a d’abord dû gagner la confiance des jeunes de la rue qui avaient élu domicile sur la Plaza San Martin à Lima. Âgés de neuf à dix-huit ans — certains avaient même vingt ans —,  les jeunes de la rue n’ont pour horizon que le vol et la violence. Pour oublier leur détresse, dès leur lever le matin, ils inhalent une colle appelée terokal.

 

D’autres organisations leur apportaient à manger ou leur fournissaient des vêtements, mais je n’étais pas d’accord avec cette approche. Je me disais que si on leur donnait tout ce dont ils ont besoin pendant qu’ils sont à la rue, il leur serait encore plus difficile de décider de la quitter.

Jean-Louis Lebel

 

Il s’est donc fait un devoir de ne rien leur apporter, mais de plutôt leur consacrer du temps et de tisser des liens.

Après sept mois, en juin 1990, il loue un appartement normalement destiné à une famille, et y accueille jusqu’à huit enfants. Il y demeure pendant plus d’un an. Une personne s’ajoute au groupe pour donner des cours aux enfants. Puis CIMA, c’est-à-dire le Centre d’intégration des mineurs abandonnés, s’installe à Cieneguilla, une banlieue de Lima, et d’anciens poulaillers transformés et rénovés leur servent de gîte.

Cinq ans plus tard, grâce à la Fondation Père-Ménard et ses alliés, une nouvelle construction est édifiée sur un nouveau site toujours à Cieneguilla, mieux appropriée à l’accueil des enfants. Par la suite, ils reçoivent l’aide de la Fondation qui assure le financement de plusieurs de leurs projets.

 

Une journée typique

 

Le fort contraste entre la rue et un hébergement structuré et quotidien semble plutôt bien se passer. «L’endroit n’a rien d’une prison, explique Jean-Louis Lebel. Même si le bâtiment est clôturé de trois côtés, il n’y a pas de mur en façade. On veut que les enfants se sentent libres.»

En entrant au Centre, l’enfant choisit volontairement de changer de vie et de comportement. Il se lève à cinq heures du matin, fait son lit, voit à son hygiène et s’habille. Après la prière communautaire du matin, certains se rendent à l’école. Quant aux autres, ils débutent avec une heure de sport. De 8h30 à 13h30, ils ont accès à leurs études académiques et aux ateliers.

 

Durant le cours de mathématiques

 

Ces ateliers sont très diversifiés : travail sur la ferme, hydroponie, initiation technique, réparation d’objets, peinture sur toile, artisanat, musique et bien d’autres. Et chaque jour, trois jeunes sont préposés à la cuisine, ce qui peut constituer une forme d’atelier.  Après le repas du midi, on s’affaire aux tâches de nettoyage, puis les ateliers reprennent de quinze à dix-huit heures. Repas à dix-neuf heures, moment libre où ils laveront leurs vêtements, termineront leurs travaux scolaires, ou feront du sport. Les plus petits se couchent à vingt heures trente et les plus vieux à vingt et une heures.

 

Un jeune dans l’atelier d’élevage de poules

 

CIMA, maintenant au cœur de sa vie

 

Jean-Louis Lebel habite au Centre. Il revient à Montréal une fois par année. «J’y ai vécu des choses merveilleuses, ça ressemble beaucoup plus à une famille qu’à un organisme. Et ma joie c’est de reprendre parfois contact avec ces jeunes — le Centre en a accueilli plus de deux mille — auxquels on a permis de continuer leurs études, se choisir un métier, révéler leurs talents comme en musique ou en arts plastiques, quitter la rue à jamais, et même retourner vivre dans leur famille.»

Et il conclut : «Ma vie, c’est CIMA, me confie-t-il.  Ça n’aurait pas de sens pour moi de revenir vivre au Québec. C’est mon rêve de terminer ma vie au Foyer.»

 

À PROPOS DE RENÉE THIVIERGE

Journaliste, auteure, traductrice et dramaturge, Renée s’intéresse depuis toujours à la philosophie et à la spiritualité. La beauté et l’humain sont ses meilleures sources d’inspiration et elle croit passionnément au pouvoir des mots afin de repousser et teinter de poésie les limites d’un monde souvent filtré et médiatisé.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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