Crédit photo : Miriam Castro

Artiste-peintre professionnel, Jean est aussi professeur et consultant en arts visuels. Pour lui, Dieu, l’Être suprême, se trouve dans l’ensemble de la création, à l’intérieur de nous tous et dans tout ce qui nous entoure, visible ou invisible à nos yeux.

Jean Durandisse est né à Léogâne, en Haïti, en 1937, au sein d’une famille de cultivateurs. Il grandit sans électricité, sans télé, sans téléphone, sans voiture. La ville la plus proche se trouve à 15 kilomètres… à pied. À la campagne, personne ne mesure le temps en heures. «On ne pouvait pas dire à quelqu’un : “Écoute, on se donne rendez-vous demain à 9h”. On se disait plutôt : “On se voit demain matin au lever du soleil”». C’est probablement grâce à ce rythme de vie naturel que Jean apprend à regarder attentivement la nature, qui devient son lieu de prédilection, de réflexion et d’inspiration pour créer ses œuvres d’art.

Dessiner sa vie

À l’âge de sept ans, il déménage en ville chez son oncle pour faire ses études primaires chez les Frères de l’instruction chrétienne (FIC). En fait, c’est son intérêt pour l’art qui le mène à l’école : «Un jour, j’avais peut-être six ou sept ans, j’ai pris une feuille de bananier comme canevas et un morceau de bois pour crayon, et j’ai commencé à dessiner. Mon père m’a vu et m’a envoyé à l’école pour que j’apprenne.»

Chez les frères, il apprend beaucoup et obtient toujours d’excellentes notes dans le cours de dessin. En 1960, son talent lui a ouvert les portes du Foyer des arts plastiques à Port-au-Prince. Après huit années d’études et diverses expositions dans la capitale haïtienne, il émigre aux États-Unis et fréquente l’École des beaux-arts de New York, une ville où il habite pendant six ans. Il décide ensuite d’émigrer au Québec où il poursuit ses études en art et en enseignement à l’Université du Québec à Montréal.

Envisager la nature

Une grande partie de son œuvre plastique est empreinte de souvenirs de sa terre natale. Plus récemment, son esprit créatif et sa quête de nouveaux défis l’ont conduit à développer une collection intitulée Envisager la nature. Pour lui, «la nature crée des scènes et lance des messages que nous devons chercher à comprendre».

Pour y arriver, Jean a traversé le Canada pour voir et écouter la nature, sa source d’inspiration. Au cours des vingt dernières années, il a parcouru des îles, des forêts, des baies…

J’ai fait la Côte-Nord jusqu’à Natashquan pour aller visiter les îles de Mingan, où il y a des monolithes géants, des rochers sculptés par le vent, l’eau et le soleil. Du coup, j’aperçois une forme humaine, dans la géante statue nommée la Dame de Niapiskau. Elle m’a beaucoup inspiré, car elle me rapproche de la nature.

Jean Durandisse

Un autre objectif du projet est de sensibiliser les gens au respect envers l’ensemble de la création, pour leur permettre de voir la nature autrement. Par des catastrophes naturelles comme les inondations, les tremblements de terre et le réchauffement climatique, la nature est en train de nous dire que nous avons trop abusé d’elle en nous croyant supérieurs aux animaux, aux insectes et aux plantes. «Est-ce qu’on a pensé à la vie d’un arbre ? Un arbre a une vie, il naît, grandit et meurt et ses restes servent à fabriquer la plupart de tout ce qui est utile pour agrémenter notre vie : logis, transport, etc., surtout le véhicule qui nous conduit à notre dernier repos.»

Écouter, voir et «faire parler» la nature est un thème abordé sans cesse dans sa création artistique. Sa peinture peut être considérée comme animiste, car il compose ses toiles avec des éléments de la nature qui se voient conférer une sorte de densité spirituelle, une âme. Par exemple, le tambour, un motif récurrent dans ses tableaux, est le squelette d’un arbre qu’on a abattu. «Dans un certain sens, le tambour c’est le cœur de l’arbre, de la nature même, qui offre sa vie et qui bat pour l’humanité».

Le secret de l’arbre, acrylique sur toile, 18″ x 24″, 1999.

Saira International

Homme d’équipe, Jean Durandisse s’est impliqué dans diverses organisations artistiques et humanitaires de la communauté haïtienne. Il est le président de Saira International, un organisme à but non lucratif établi à Montréal dont la mission est de contribuer à la recherche et au développement des projets éducatifs et communautaires pour les pays non industrialisés.

En 2010, après le violent tremblement de terre qui a fait plus de 200 000 victimes en Haïti, l’organisme a mis sur pied un programme de formation de main-d’œuvre locale et qualifiée en techniques de maçonnerie antisismiques et anticycloniques. «Des séismes vont continuer à se produire, alors il faut reconstruire des structures solides et bâties selon les normes de construction établies dans le pays.»

Le Centre de services scolaire de Montréal est devenu un partenaire important de ce projet à travers l’École de métiers de la construction, pour former les gens de métier là-bas. En outre, Saira International a trouvé un professeur, un ingénieur formé en Californie et qui connaît très bien le renforcement parasismique. Grâce à ce programme, plus de 80 ouvriers haïtiens ont été formés pour construire des maisons plus sécuritaires pour les familles. Ils viennent d’offrir leurs services en vue de la reconstruction des maisons détruites par le dernier tremblement de terre de 2021.

À PROPOS DE MIRIAM CASTRO

Passionnée des voyages et des nouvelles cultures, Miriam décide de s’établir au Québec et obtient une maîtrise en communication à l’UQAM, tout en travaillant comme directrice de la Fondation Père-Ménard. Lorsqu’elle n’est pas en train de courir pour faire sa méditation en mouvement, elle lit, regarde des séries ou partage un bon repas avec les gens qu’elle aime.

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.