Conversations

Fernand Patry : « Jésus fait découvrir le divin en nous »

photo Miriam Castro

Par Miriam Castro

Conversations

8 juin 2022

Crédit photo : Fondation Jeanne-Mance

Fernand Patry est un homme courageux, engagé et qui fait confiance à la vie. Cela est d’autant vrai qu’il n’a pas hésité à prendre des risques en changeant la direction de son existence dans sa quête de sens, de liberté et de vérité.

 

Originaire du Lac-Saint-Jean, Fernand est le dernier-né d’une famille de 12 enfants, dont 9 sont malheureusement décédés à cause des maladies infantiles. La famille habitait dans le bois et loin des services de santé essentiels, car son père s’occupait des bûcherons et des chantiers. Enfant, Fernand était timide et renfermé ; il vivait isolé dans son imaginaire.

C’est à l’école secondaire que tout a changé pour lui. Son grand-oncle a proposé à ses parents de l’héberger gratuitement à Jonquière pour qu’il puisse fréquenter un collège privé tenu par les pères Oblats. En deux ans, Fernand s’est épanoui d’une façon incroyable. Le petit garçon timide était même devenu président de classe ! (1)

 

En quête de liberté

 

À Jonquière, Fernand a fait des études en psychopédagogie pour devenir professeur. Pendant quelques années, il a enseigné la géographie et l’histoire dans un collège à Sainte-Thérèse. Il était très heureux, mais il sentait qu’il lui manquait quelque chose : «J’avais besoin d’aller vers quelque chose de plus libre, de sortir des sentiers battus, de partir d’un milieu syndical qui n’avait pas d’intérêt à changer les choses.»

C’est alors qu’il a démissionné comme professeur et qu’il a décidé plonger dans le milieu artistique comme journaliste culturel à Montréal. Il était bien conscient qu’il tournait le dos à un avenir assuré pour se retrouver à la case départ, car il ne connaissait personne dans le monde des médias. Mais, il avait une confiance absolue que tout allait se placer pour le mieux.

Bien sûr, le début n’a pas été facile, mais il a persévéré et a commencé à être connu et apprécié de par la qualité de sa plume et son talent en relations publiques. Il a commencé dans la presse écrite et après, il a fait de la télévision et de la radio spécialisées dans l’industrie du divertissement.

 

C’était une vie de fou, non-stop, à cent mille à l’heure. Après sept ans, j’ai commencé à prendre conscience que ce monde était quelque chose de très artificiel, une sorte d’illusion dans laquelle je perdais mon temps.

Fernand Patry

 

En quête de sens

 

Encore une fois, Fernand a changé de cap avec assurance. Il a décidé de partir au Saguenay pour administrer et s’occuper des relations publiques d’une école d’équitation. D’autres contrats d’envergure se sont succédé et la vie vertigineuse a vite repris. Fernand s’est vu regagner le monde des apparences, des affaires et de la politique.

«Là, je me suis loué un chalet au lac Kénogami et j’ai annoncé à mes amis : “Moi, je vais changer de vie, je ne sais pas où je m’en vais, mais quelque chose va se produire”. Après quatre mois à me questionner sur ma vie et mon avenir, la réponse est arrivée». Un jour, Fernand a vu une annonce dans le journal local publiée par les Frères de l’instruction chrétienne (FIC) de Dolbeau. Ils avaient besoin d’un professeur spécialisé en psychopédagogie pour enseigner pendant deux ans au Zaïre (nom porté par l’actuelle République démocratique du Congo).

Le poste était fait pour lui et le côté exotique de l’Afrique le faisait rêver. Mais, il y avait un bémol : il ne croyait pas à l’Église ni au christianisme. Il en a parlé aux frères qui lui ont répondu : «Est-ce que vous respectez les gens qui y croient ?» Fernand a répondu par l’affirmatif et, un moins après, il était en route vers le continent africain.

Le collège Wando était situé dans la brousse, près de la frontière avec l’Ouganda et la Tanzanie. À l’époque, il était fréquenté par 350 étudiants. Fernand y enseignait le français. Mais, un jour, le frère qui enseignait l’histoire de l’église est décédé subitement dans un accident de la route. Alors, les frères ont demandé à Fernand de prendre le relais. Il a refusé, car il ne croyait pas à l’institution ecclésiale. «Fernand, dans le fond, c’est de l’histoire et toi, tu as enseigné l’histoire et la géographie au Québec.»

Fernand a accepté le défi et s’est mis à étudier l’histoire du Zaïre, de l’Église en Afrique et les origines du christianisme. En même temps, il a commencé à mieux connaître ses étudiants et leur famille. Ils étaient tous très croyants ; des gens dignes et fiers. Malgré les dangers et les difficultés du quotidien causés par la dictature et la guerre, les gens étaient heureux et essayaient de profiter du moment présent.

Au milieu de la brousse africaine, il a relu le Nouveau Testament pour mieux connaître l’homme qui était Jésus. Il a été bouleversé par la simplicité et la force du message du Nazaréen, qui n’avait rien à voir avec les rituels religieux compliqués, le sentiment de culpabilité, la hiérarchie inutile et le faste immoral des cathédrales.

 

 J’étais toujours en quête de quelque chose de profond et c’est l’Afrique qui me l’a vraiment fait découvrir. Ce que je vivais avec les habitants du village était au cœur même de l’Évangile.

Fernand Patry

 

En quête du divin

 

Fernand a dû rentrer au Québec avant la fin de son contrat à cause d’une filariose dans le système sanguin, un parasite transmis par la piqure d’un moustique. Dans un état de semi-conscience, il est resté deux mois à l’Hôtel-Dieu. Même après cette épreuve qui l’a presque tué, le rêve de retourner en Afrique a continué à l’habiter. Il voulait retourner en Afrique, non plus comme laïque, mais comme prêtre.

D’abord, il est allé chez les Pères Blancs, mais l’angle de leur formation ne lui convenait pas. Ayant remarqué son sens critique, les pères lui ont conseillé d’aller chez les Dominicains. Il avait 34 ans, il était donc ce qu’on appelait dans le temps «une vocation tardive». Lors de sa formation, il a appris à lire les textes, à les comprendre, à les interpréter et à les écrire. Il a été ordonné prêtre le 26 avril 1986 à Montréal.

Il n’est pas retourné en Afrique, mais il savait qu’il devait être sur le terrain parmi les gens. C’est ainsi qu’il est devenu le curé de la paroisse Notre-Dame-de-Grâce et il y est resté pendant 12 ans. Il y a vécu des rencontres extraordinaires avec les paroissiens et leur famille.

 

Que faisait Jésus ? Il parlait et écoutait les gens. Il leur faisait découvrir Dieu, le divin, en eux. Nous sommes tous appelés à devenir indirectement le Christ, et à faire des choses extraordinaires.

Fernand Patry

 

C’est aussi dans cette paroisse qu’il a vécu des épreuves concernant sa vision renouvelée de la foi et sa position critique face à l’institution ecclésiale. Pour lui, c’est l’Évangile qui doit être au centre de l’expérience spirituelle, pas l’institution et son pouvoir, ses prêches et ses décrets. «Dieu est en chacun de nous et nous sommes tous des êtres divins. Comme Jésus, il faut qu’on apprenne à se tenir debout, à préserver sa dignité, à respecter l’ensemble de la création.» Son expérience de vie et de travail dans cette paroisse l’a inspiré pour écrire, en 2005, le livre L’Évangile de Marie-Madeleine.

 

En quête d’humanité

 

À l’an 2000, Fernand a pris un autre virage dans sa vie. Il a rejoint la pastorale de malades au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Au quotidien, il voyait la souffrance des grands brulés, des malades aux soins intensifs et palliatifs, et celle de leur famille. Dans une société de moins en moins religieuse, il a compris qu’il fallait accompagner les personnes qui étaient en détresse, sans jugement et sans discours. «Dire que je vais prier pour toi, cela veut dire quoi ? Il faut plutôt écouter la personne et prendre en compte sa réalité pour qu’elle retrouve le bien-être intérieur et sa spiritualité».

D’abord aumônier, Fernand est devenu intervenant en soins spirituels, puis directeur du Centre de recherche et de formation en soins spirituels. La profession a évolué et est passée à une approche de la spiritualité au sens large et inclusif, et non plus limitée à la religion.

Après 16 ans, il a pris sa retraite du milieu hospitalier pour devenir co-fondateur et président-directeur-général de la Fondation Jeanne-Mance. Un des axes de la mission de l’organisme est d’offrir des services professionnels d’accompagnement à domicile aux personnes en fin de vie et à leurs proches en mettant l’accent sur les besoins spirituels.

«C’est le parcours qui m’a conduit jusqu’ici. Pour moi, cette œuvre fait découvrir aux gens la beauté de l’Évangile à travers l’affection, les gestes, la tendresse, la bonté et l’amour, mais en leur rejoignant dans leur spiritualité personnelle, quelles que soient leurs convictions ou croyances.»

 

En savoir plus :

 

1) PATRY, Fernand, Amours et turbulences : entretiens avec Gilda Routy, Éditions Novalis, Canada 2016.

 

À PROPOS DE MIRIAM CASTRO

Passionnée des voyages et des nouvelles cultures, Miriam décide de s’établir au Québec et obtient une maîtrise en communication à l’UQAM, tout en travaillant comme directrice de la Fondation Père-Ménard. Lorsqu’elle n’est pas en train de courir pour faire sa méditation en mouvement, elle lit, regarde des séries ou partage un bon repas avec les gens qu’elle aime.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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