Échos d'Évangile

«Faites ça… et vous vivrez !»

Photo André Myre

Par André Myre

Échos d'Évangile

16 mars 2022

Crédit photo : Fabrizio Conti / Unsplash

En 1956, la maison d’éditions Fides a publié une traduction des évangiles sous le beau titre de Faites ça…et vous vivrez. Je pense à cette formulation chaque fois que je lis le passage suivant de la source Q, lequel termine la première série de paroles de Jésus. Il est assez long, signe de l’importance que le rédacteur du document – un collectif peut-être – lui accordait.

 

Q 6,47   Écouter mes paroles et agir en conséquence,
       48   c’est ressembler à quelqu’un qui a bâti sa maison sur le roc.
              La pluie est tombée,
              les torrents sont descendus,
              les vents ont soufflé, ils se sont précipités contre cette maison,
qui ne s’est pourtant pas écroulée,
              car elle reposait sur le roc.
        49 Mais écouter mes paroles sans agir en conséquence,
              c’est ressembler à quelqu’un qui a bâti sa maison sur le sable.
              La pluie est tombée,
              les torrents sont descendus,
              les vents ont soufflé, ils se sont jetés contre cette maison,
              qui, elle, s’est aussitôt écroulée.
              Ruine totale.

 

Le texte est typique d’un scribe chrétien, d’origine sémitique, qui a bien connu Jésus. D’abord, étant scribe, l’homme est en train d’écrire une œuvre faite de paroles, auxquelles il accorde une énorme importance. Ensuite, puisqu’il est chrétien, le rédacteur s’intéresse à Jésus, et il fait porter le regard sur ce que ce dernier a dit, alors que lui n’avait d’intérêt que pour le régime de Dieu à venir. De plus, en tant que chrétien, l’auteur fait partie d’une Église, à laquelle il a une sérieuse mise en garde à adresser. Enfin, comme tous ces gens sont des sémites, l’agir reçoit une attention tout à fait particulière.

Le scribe tire son image de la météo et de la géographie de son pays. Chez lui, la plupart du temps, les lits des rivières sont à sec, rubans de roches plutôt que d’eau. De loin, cependant, on a entendu que, dans les montagnes, l’orage grondait. Quelques heures plus tard, alors que le vent soufflait en rafales, sans autre avertissement, les dangereux torrents se sont engouffrés dans les étroits couloirs, emportant tout sur leur passage.

 

Double parole

 

Dans la vie, il y a de ces tempêtes qui révèlent comment les humains – individus ou peuples – se sont construits. Les épreuves étant inévitables, il relève de chacun, chacune, de se préparer à y faire face. Le texte présente un processus, apparemment très simple, en deux étapes.

La première est plus complexe qu’il n’y paraît. Lectrices et lecteurs sont invités à «écouter» les paroles de Jésus. Il ne s’agit évidemment pas que d’entendre lire ce qui est écrit, mais d’écouter au sens d’entrer en harmonie avec le texte, de s’y reconnaître, de le faire sien.

Cela suppose l’écoute d’une double parole : celle, d’abord, qui est prononcée au plus profond de soi et qui monte de l’intériorité, et l’autre qu’on entend de l’extérieur. La plus importante des deux est la première, c’est celle-là qui est proprement «Parole de Dieu». C’est celle-là qui contient l’interpellation à la fois ancienne et nouvelle, adaptée à la situation dans laquelle on se trouve, capable de mobiliser toutes les énergies. Celle-là une fois entendue, l’autre devient significative parce qu’on y reconnaît la ligne de fond millénaire, l’orientation critique, le mordant prophétique, la liberté exaltante.

 

Écouter et agir

 

Le texte ne contient que l’écho de la Parole passée de Dieu, ce n’est pas lui qu’il faut écouter. La seule parole qui mérite écoute est celle qui est prononcée en soi à chaque moment de chaque aujourd’hui. Le texte est certes important, dans la mesure où, traçant la ligne qui remonte loin dans le passé, il permet de vérifier que c’est bien l’authentique Parole qu’on a entendue, et non pas un succédané. Mais le suivre lui, sans le renouveler par l’écoute de la Parole présente, mène nécessairement à des aberrations.

Les paroles, rendues signifiantes par la Parole, une fois écoutées, vient le temps de la décision fondamentale : agir ou ne pas agir en conséquence. C’est à proprement parler l’objet de la foi. Cette dernière n’a rien à voir avec les propositions d’un credo, et tout à voir avec la sorte d’être humain que je suis en train de devenir.

Je fais confiance aux paroles, ou je ne leur fais pas confiance. Ou bien je bâtis ma vie sur le roc de la Parole qui m’interpelle par le fond, et que je reconnais dans la vie de Jésus et les mots que la Source a mis sur elle. Et alors, vie solide. Ou bien je bâtis ma vie sur autre chose qui n’est que sable instable : mon petit moi, l’argent, le sexe, la réputation, la politique, la religion, les voyages, les plaisirs… Et alors, ruine totale.

 

13e texte de la série La Source des paroles de Jésus.

 

À PROPOS D’ANDRÉ MYRE

André est un bibliste reconnu, auteur des nombreux ouvrages, professeur retraité de l’Université de Montréal et spécialiste des Évangiles, particulièrement de celui de Marc. Depuis plusieurs années, il anime de nombreux ateliers bibliques.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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