Détail de la mosaïque de l’église de la Multiplication, située à Tabgha, en Israël
C’est dans un petit village sur les bords du lac de Galilée, appelé Tabgha, que la tradition localise le miracle de la multiplication des pains. Sur le plancher de l’église, juste devant l’autel, se trouve une célèbre mosaïque représentant le panier des cinq pains entouré des deux poissons. J’ai eu moi-même la joie de pouvoir admirer sur place cette œuvre il y a quelques années.
Dans la religion juive, le pain joue un rôle important. Rappelez-vous les «douze pains de proposition» apportés en offrande le jour du sabbat que seuls les prêtres peuvent manger. Encore aujourd’hui, dans les familles juives, on mange un pain tressé pour le sabbat et lors de la Pâque, on partage un pain sans levain.
Le pain et le poisson dans la tradition
Vous savez sans doute aussi que Bethléem, le lieu de la naissance de Jésus, signifie en araméen, la «maison du pain». A la dernière scène, Jésus rompt le pain et le partage avec ses disciples. Dans la prière que Jésus nous a léguée, nous demandons à Dieu de nous donner notre pain quotidien. Enfin, Jésus se présente lui-même comme le «pain de vie».
Le poisson, également, apparaît plusieurs fois dans les évangiles. Dans le récit de la pêche miraculeuse. Jésus y invite ses disciples à venir manger et «il prend le pain et le leur donne; et de même pour le poisson». Le mot grec ichthus, qui signifie «poisson», devient un symbole majeur des premiers chrétiens, comme acronyme pour Jésus Christ Fils du Dieu Sauveur.
La symbolique des nombres
Dans les quatre versions évangéliques de la multiplication des pains, il est question de cinq pains et deux poissons. N’y aurait-il pas derrière ces chiffres un langage symbolique à déchiffrer? Le sens du nombre cinq dans l’Ancien Testament est lié à ce qui est consacré, mis à part pour Dieu. David et ses compagnons obtiennent du prêtre Ahimelek cinq pains destinés à être offerts sur l’autel.
Dans le langage symbolique du quatrième évangile, le nombre a la même signification que dans l’Ancien Testament. Il s’applique à ce qui est saint, consacré, mis à part pour Dieu. A preuve, on relève parmi les mots employés cinq fois dans l’évangile de Jean : agios– saint, anothen – d’en haut, basileia – royaume.
Le symbolisme numérique qui s’applique à la Pâque dans le quatrième évangile est celui du nombre dix. La Pâque juive, qui commémore la 10ième plaie d’Égypte, se célèbre le 10ième jour du premier mois de l’année. Le symbolisme de la Pâque étant celui du nombre dix, il contient le symbolisme des nombres cinq et deux, c’est-à-dire cinq fois deux. Les pains exprimant le symbolisme de cinq, il devenait nécessaire que les poissons soient au nombre de deux. Pour Jean, la multiplication des pains est un repas pascal.
Jean n’a pas créé les symboles des cinq pains et des deux poissons, il les a interprétés en les mettant en relation avec la Pâque nouvelle. Et vous imaginez bien que ce n’est pas moi qui ai inventé tous ces calculs symboliques : je les ai empruntés à un savant article publié en 1967 dans la sérieuse Revue des Sciences religieuses de l’Université de Strasbourg.
Rendons grâce à Dieu qui se révèle à nous à travers des signes liés à notre vie quotidienne, dont le partage du pain. Souvenons-nous cependant, que «l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu».
À PROPOS D’YVON POMERLEAU
Après plus de trente ans comme missionnaire au Rwanda, où il a vécu la violence du génocide, et comme conseiller du Maître de l’Ordre des Prêcheurs à Rome, il a été prieur provincial des dominicains du Canada de 2002 à 2010. Aimant de la nature et de l’autre, Yvon participe, entre autres, à l’essor du Foyer du monde, une maison d’hébergement pour demandeurs d’asile et réfugiés à Montréal.
Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.
