Échos d'Évangile

À la recherche de la Source

Photo André Myre

Par André Myre

Échos d'Évangile

13 janvier 2021

Crédit photo : Krisanapong detraphiphat / Unsplash

Il existe, dans la littérature évangélique, un ensemble de paroles de Jésus contenues dans une source littéraire sur laquelle beaucoup de titres s’écrivent, mais qui, malheureusement, reste à peu près inconnue du grand public.

 

D’abord, un mot s’impose sur son nom, la source «Q», qui sonne plutôt mal en français. C’est la faute aux Allemands. Ce sont eux qui, vers le milieu du XIXe siècle, ont orienté la recherche sur la piste de ce document, et comme, en allemand, le mot «source» se dit Quelle, ils se sont servis de la première lettre de ce mot pour la nommer, appellation qui lui est restée (1).

 

Une Source cachée dans deux évangiles

 

Si nous passons du nom à la chose, il faut dire d’abord que nous parlons d’une source jadis réelle, mais qui n’existe plus de nos jours, sinon à l’intérieur des évangiles de Matthieu et de Luc. Il faut savoir, en effet, que, pour rédiger leur texte – ce qu’ils ont fait indépendamment l’un de l’autre –, ceux-ci ont utilisé divers matériaux littéraires, en particulier l’évangile de Marc dont chacun reprend substantiellement le contenu. Mais ils disposaient aussi d’un autre document, la source Q. Ce document – faut-il le répéter ? – n’existe pas sous forme manuscrite. Il ne se trouve nulle part ailleurs qu’à l’intérieur des évangiles de Matthieu et de Luc, et c’est à partir de là qu’on peut se mettre à sa recherche.

 

Une seule Source ?

 

À distance, il nous est impossible de savoir si ces deux rédacteurs disposaient d’un texte identique pour écrire leur évangile. Il est donc possible, sinon probable, que 30 ou 40 ans après la rédaction de «la» Source, il en ait existé des versions plus ou moins différentes et donc que Matthieu et Luc n’aient pas disposé d’un texte parfaitement identique.

 

Comment trouver la Source ?

 

Il n’existe qu’une façon d’avoir aujourd’hui accès à la Source. Il faut d’abord rassembler l’ensemble des textes que Matthieu et Luc ont en commun, en les mettant à part de ceux qui proviennent de Marc. Ensuite, le travail consiste à comparer les deux versions, en tenant compte des façons d’écrire des deux évangélistes, dans le but de dégager le texte présumément le plus ancien (2).

Voici un exemple du travail de reconstitution à faire sur l’ensemble du document : en Matthieu, le Notre Père est introduit par les mots «Parent de nous, celui dans les cieux» (Mt 6,9), alors que celui de Luc a le simple «Parent» (Lc 11,2). Il suffit d’avoir un peu fréquenté l’évangile de Matthieu pour se rendre compte que l’invocation est conforme au style de l’évangéliste, et en conclure que la version lucanienne est la plus ancienne.

 

D’où et quand ?

 

La Source a été directement rédigée en grec. Le milieu géographique d’origine est celui de la campagne galiléenne, avec ses petites villes et villages. La Source serait donc née près de la frontière entre la Syrie et la Galilée, là où la langue d’usage était le grec. Il est raisonnable d’affirmer que la Source date de la première moitié des années 50, soit une vingtaine d’années après la mort de Jésus, et une quinzaine avant la rédaction de l’évangile de Marc.

 

Qui l’a rédigée et pour qui ?

 

La Source a été rédigée par des scribes chrétiens, qui vivaient dans des communautés fortement influencées par des partisans de Jésus extérieurs au cercle des Douze. Elle est le témoin d’un christianisme différent de celui de Jérusalem, celui dont Paul s’est emparé des différents concepts pour les propager dans tout le monde méditerranéen. La Source, par exemple, ne s’intéresse pas à la mort salvifique de Jésus, ni à sa résurrection, de même qu’elle ne le proclame pas messie et ne lui rend pas de culte. Elle a d’autres mots et concepts pour dire sa foi, ce qui n’est pas anodin.

 

Le prochain blogue traitera de la nature de la Source, et du degré de confiance qu’elle mérite de se voir accorder.

 

Notes :

 

1) Le texte en question (la Quelle) n’a rien à voir avec les manuscrits découverts à Qoumrân. La méprise, courante, vient du fait que les deux mots commencent par la lettre Q.

 

2) Pour en savoir davantage, voir A. MYRE, La source des paroles de Jésus, Montréal, Novalis, 2011 (la
source Q y est reconstituée, traduite, présentée et commentée).

 

1e texte de la série La Source des paroles de Jésus.

À PROPOS D’ANDRÉ MYRE

André est un bibliste reconnu, auteur des nombreux ouvrages, professeur retraité de l’Université de Montréal et spécialiste des Évangiles, particulièrement de celui de Marc. Depuis plusieurs années, il anime de nombreux ateliers bibliques.

 

Les opinions exprimées dans les textes sont celles des auteurs. Elles ne prétendent pas refléter les opinions de la Fondation Père-Ménard. Tous les textes publiés sont protégés par le droit d’auteur.

 

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